Page 718 - Merveilles Industrie Tome 4
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712                    MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

            ne recueillent que celles-là. Ils se servent,   tés eux-mêmes sur des pieds, pour qu'ils ne
            comme les Chinois, de l’ongle, pour couper  touchent pas à terre. Cela fait, les ouvriers
            le jeune bourgeon follifère un peu au-des­  malaxent légèrement les feuilles avec les
            sus de la première ou deuxième feuille dé­  mains, en les prenant d’une main et les
            veloppée. Les feuilles tendres servent à la   passant dans l’autre pendant dix minutes.
            confection des thés fins. Chaque nègre peut   On étend alors les feuilles sur une claie d’o­
            cueillir environ 8 kilogrammes de feuilles  sier pendant une demi-heure, puis on recom­
            par jour.                                  mence la manipulation, et on répète cela
               Dans la première récolte, qui se fait en   trois ou quatre fois, jusqu’à ce que les feuilles
            avril, on choisit et l’on cueille une à une les  soient devenues très-souples.
            feuilles les plus tendres, pour faire le thé   C’est alors que l'on s’occupe de la torré­
            vert. Les autres récoltes, faites avec moins de   faction, qui s’opère au moyen d’un four­
            précaution, fournissent les feuilles qui don­  neau.
            nent le thé noir. On rend la récolte perma­  Le chef de l’atelier de torréfaction se
            nente en la régularisant de manière que les  tient debout, en face du fourneau, dans le­
            feuilles aient repoussé sur les arbustes les  quel brûle un feu clair de bambou. A sa
            plus anciennement dépouillés, au moment  gauche, un homme tient un panier plein
            où l’on achève la défoliation des derniers.  de feuilles fraîches. D’autres ouvriers sont à
               Le principe actif auquel sont dues les  sa droite, portant des corbeilles d’osier un
            propriétés spéciales du thé, c’est-à-dire, son   peu profondes, pour recevoir, au fur et à
            action excitante sur le cerveau et les nerfs,   mesure, les feuilles qui viennent de recevoir
             ne préexiste pas plus dans les feuilles du Thea  l’action du feu. Une bassine de fonte est
            sinensis, que la caféine, à laquelle les grains  chauffée par le feu de bambou. Quand elle
            de café doivent leurs vertus physiologiques,   est chauffée au rouge, le torréfacteur y jette
             ne préexiste dans les graines du cafeyer.   environ 1 kilogramme de feuilles, qu'il étend
            C’est par l’action de la chaleur, c’est-à-dire  bien uniformément, afin qu’elles prennent
            par la torréfaction, que la théine se développe  toutes le même degré de chaleur. 11 les re­
            dans ces feuilles.                         tourne en tous sens, avec les mains, sur
                                                       la bassine rouge, jusqu'à ce qu elles devien­
               La manière dont les Chinois procèdent à   nent tellement brûlantes qu’il ne puisse en
            la torréfaction des feuilles du Thea sinensis,   supporter la chaleur.
            est restée longtemps un mystère ; mais elle est   La température extrêmement élevée de
            aujourd’hui bien connue. Le mode opéra­    l'atelier, les vapeurs suffocantes dont son
            toire varie selon que l’on prépare du thé  atmosphère est remplie, le suc corrosif qui
            noir ou du thé vert. Parlons d’abord de la   transsude des feuilles pétillant au contact
             torréfaction des feuilles devant donner le   de la fonte rougie, enfin la bassine rouge de
             thé noir.                                 feu près de laquelle il faut tenir cons­
               La récolte des feuilles étant terminée, on  tamment les mains, rendent ce travail extrê­
            les sèche au soleil, dans de grands paniers  mement douloureux et pénible. Cette ma­
            de bambou à claire-voie. On a soin de les  nipulation doit cependant continuer sans
            remuer de temps en temps, pour prévenir  relâche, les feuilles ne pouvant être roulées
            leur fermentation. Au bout de deux heures   que lorsqu’elles sont chaudes.
            d’exposition au soleil, on porte les feuilles   Cette première torréfaction des feuilles ne
            au laboratoire, et on les place dans de pe­  dure pas plus d’une demi-minute. Dès que
            tits paniers, qu’on pose sur des châssis, por­  le torréfacteur reconnaît que les feuilles ont
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