Page 697 - Merveilles Industrie Tome 4
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les conserves alimentaires. 691
50 francs les 100 kilogrammes. Il faut donc réduit, au milieu de parages inhospitaliers
s'étonner que les populations du nord de la et lointains, à se contenter, pour toute ali
mentation, de biscuit desséché ou moisi et
France n’accordent pas plus de faveur à cet
de viande de bœuf ou de porc salée.
aliment, qui est nutritif et sain.
Si l’on peut embarquer sur les navires et
y nourrir, pendant quelque temps, des vo
lailles et des bêtes à corne, il est impossible
d’y établir des jardins potagers, d’y conser
CHAPITRE X
ver des légumes frais et des herbages. Le
LA CONSERVATION DES LÉGUMES. — PROCÉDÉS EN USAGE régime alimentaire des gens de mer était
POUR LA CONSERVATION DES LÉGUMES. — LA MÉTHODE
donc, à l’exception de quelques légumes
d’appert ET LA DESSICCATION.
secs, tels que fèves, haricots, pois, len
Sur leurs somptueux navires, les grands tilles, etc., presque exclusivement composé
amiraux du temps de Louis XIV pouvaient autrefois de matières animales et surtout de
rassembler toutes les richesses des deux viande salée. Huit à dix mois d'un tel ré
mondes. Ils pouvaient fouler à leurs pieds gime amenaient inévitablement, parmi la
les plus beaux tapis de l’Orient, et couvrir population du bord, un triste cortège de
maladies, et surtout le scorbut, qui déci
les murs de leurs cabines des resplendis
mait les hommes, et n’avait souvent d’autre
santes étoffes empruntées à la Chine et à
cause que l’alimentation excitante et uni
l’Arabie. Sur leur table, royalement servie,
on voyait s’étaler les mets les plus exquis et forme à laquelle l’équipage était soumis.
les plus rares. Mais de tous les agréments Aujourd'hui, tout cela est bien changé.
Le dernier matelot de la marine française,
de la table, le plus précieux, car il aurait
été le plus utile, leur était refusé. Toute la le plus pauvre mousse enlevé par la presse
aux tavernes de Londres, jouissent, pour
puissance, toute l’autorité des brillants of
ficiers de la marine de cette époque, eût leur régime alimentaire, des avantages qui
avaient manqué aux amiraux des derniers
échoué pour introduire à leur bord, pour
siècles. Nos marins ont, presque tous les
amener sur leur table, quoi? moins que
rien, un vulgaire plat de légumes. Faute de jours, leur ration de légumes frais. Aussi,
ce simple élément du régime alimentaire, le scorbut, cet antique fléau des gens de mer,
n’est-il plus qu’un souvenir, qu’une tradi
il arrivait souvent qu’à la suite d’une longue
campagne, le vaillant amiral succombait aux tion de l’histoire de la marine. Sur les bâti
atteintes du terrible scorbut, comme le der ments qui exécutent les plus longues navi
gations, sur les navires baleiniers, qui font
nier de ses matelots.
A cette époque, quand on s’embarquait des pêches d’une durée de quatre ou cinq
pour une expédition lointaine, pour faire le ans, c’est à peine aujourd'hui si l'on connaît
le scorbut. Le capitaine Collinson, qui a de-
tour du monde ou pour explorer les glaces
des mers polaires, on faisait provision de couvert le passage du Nord-Ouest, après
beaucoup de viande salée et de biscuit de avoir contourné toute l'Amérique, resta,
mer, auxquels on ajoutait quelques animaux sans perdre un seul homme, près de trois
vivants et des légumes frais. Mais, après ans enfermé dans les glaces du Nord.
deux mois de navigation,les légumes étaient C’est que, depuis l'admirable découverte
consommés ou pourris, le bétail et la vo d’Appert, on a pu conserver les viandes et
laille étaient tombés successivement sous le les légumes sans l’intervention de cette
âcre saumure dont les effets étaient si fu-
couteau du cuisinier, et l’équipage en était