Page 672 - Merveilles Industrie Tome 4
P. 672

666                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


             qui lui donnent la propriété de conserver les   assez prolongée, la créosote que cette fumée
              viandes. C’est donc ici le lieu d’entrer dans   renferme, ne pénètre pas assez profondément
             quelques détails sur le fumage des viandes.  les chairs. Dès lors, la viande, tout en pré­
                                                        sentant un bon aspect, ne résiste pas à la
               L’art de boucaner ou de fumer les viandes,   corruption pendant l’été. Il faut donc que
             très-usité dans toutes les provinces du Nord,   les viandes restent longtemps soumises à
             est porté à sa perfection à Hambourg. Voici,   l’action de la fumée. Il est rare, d’ailleurs,
             d’après Chaptal, comment on fume, à Ham­   que l’on fume les viandes sans préalable­
             bourg, la viande de bœuf.                  ment les sécher ou les saler. Avec ces pré­

               « On établit des foyers dans les caves, on y brûle des   cautions, c’est-à-dire en les salant et les fu­
             copeaux de chêne très-secs ; deux cheminées portent   mant, les viandes deviennent, pour ainsi
             la fumée du combustible au quatrième étage, et la
             versent dans une chambre par deux ouvertures   dire, incorruptibles.
             opposées. La capacité de la chambre est calculée   L’emploi, qui a été fait à plusieurs repri­
             sur la quantité de la viande qu’on veut fumer;   ses, d’eau chargée de créosote, d’acide pyro­
             mais le plafond n’est élevé au-dessus du sol que de   ligneux et d’acide phénique pour la conser­
             cinq pieds et demi (1“,787). Au-dessus de cette
             chambre, il en existe une autre, construite en   vation des viandes, n’avait donc, on le voit,
             planches, dans laquelle la fumée se rend par un   d’autre résultatque de remplacer Xenfumage.
             trou formé au milieu du plafond de la première, et   On empruntait aux fabricants de produits
             d’où elle s’échappe par des ouvertures qu’on a pra­
             tiquées sur les côtés.                     chimiques la créosote, l’acide pyroligneux et
               « On suspend les morceaux de viande dans la pre­  l’acide phénique, et on employait ces agents
             mière chambre, à un demi-pied de distance (0”,162)   directement au lieu de se servir de la fu­
             l’un de l’autre; on entretient le feu nuit et jour   mée qui renferme ces mêmes substances.
             pendant un mois, et quelquefois pendant dix se­
             maines, suivant la grosseur des morceaux.    C’est l’Anglais Mackensie qui, en 1830,
               « On place les boudins dans la seconde chambre,   proposa le premier l’acide pyroligneux,
             et on y laisse les plus gros pendant huit ou dix   comme un puissant antiseptique. En 1844,
             mois.
               « Dans ce procédé, on combine deux moyens de   le docteur Pigné annonçait que les cadavres
             conservation : le premier, c’est la salaison ; le se­  humains sont rendus imputrescibles par
             cond, c’est l’acide pyroligneux qui est fourni par la   une simple immersion dans une eau qui
             combustion et qui constitue la presque totalité de la   contient, par litre, 10 gouttes seulement
             fumée. Cet acide pénètre les viandes, et peut seul
             les préserver de la putréfaction, comme je l’ai   de créosote.
             prouvé plusieurs fois ; mais, lorsqu’on l’emploie   Aux Etats-Unis, Houston, en 1824, après
             seul, les viandes se racornissent et prennent une   avoir salé des morceaux de bœuf, les aban­
             couleur noire et désagréable (t). »
                                                        donna pendant quelques semaines, dans
               Ainsi Chaptal rapportait déjà à l’acide   leur saumure ; puis, il les arrosa avec de
             pyroligneux la propriété conservatrice de la   l’acide pyroligneux, et obtint ainsi des ré­
             fumée. Mais l’acide pyroligneux renferme,
                                                        sultats qui furent trouvés très-satisfaisants.
             outre l’acide acétique, des matières gou­
                                                          C’est encore un procédé analogue qu’em­
             dronneuses qui sont chargées de créosote,
                                                        ployait à Munich, en 1825t le colonel
             d’acide phénique, etc., substances qui n’é­
                                                        Samson. Cet expérimentateur prenait de la
             taient pas connues du temps de Chaptal. Le
                                                       saumure de suie, dans laquelle il immergeait
             célèbre chimiste portait donc, dès cette épo­
                                                       jambons, langues, etc. Après une immersion
             que, le jugement le plus sain sur cette ques­  de cinq à huit heures la conservation était
             tion.
                                                       assurée.
               Quand l’exposition à la fumée n’est pas
                                                          C’est en 1871 que l’acide phénique a été
              (I) Chimie appliquée à l'agriculture, tome II.   proposé, par M. Baudet, pour conserver les
   667   668   669   670   671   672   673   674   675   676   677