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668 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
de gélatine épaisse de 3 ou 4 millimètres, thode de conservation qui nous occupe, et
et à peu près imperméable à l’air. Dans le d’après les annonces répétées du succès pro
procédé qui fut mis en pratique à Paris, en clamé dans les journaux, l’administration
1854, on ne faisait pas usage, pour enrober de la guerre et celle de la marine voulu
les viandes, de gélatine proprement dite, rent, en 1854, soumettre à une expérience
mais d’une gelée préparée sur les lieux positive les viandes conservées par la géla
mêmes, et que l’on obtenait en faisant bouil tine. On enferma dans des caisses une pro
lir longtemps les parties tendineuses du vision de viandes préparées sous les yeux du
bœuf. Cette dissolution fournit, par l’éva représentant de cette entreprise, et on laissa
poration et le refroidissement, une gelée une partie de ces caisses dans des magasins
translucide. C’est avec ce produit gélatineux entretenus à une douce température par le
que l’on enveloppait les viandes pour les voisinage des fours de la boulangerie mili
conserver. taire. Le reste fut chargé à bord d’un navire
Placées dans ces conditions, c’est-à-dire qui se rendait à Constantinople. Au retour
recouvertes d’un enduit solide, les viandes du vaisseau, on réunit tous ces échantillons,
semblaient devoir demeurer à l’abri de la afin de procéder à leur examen définitif.
décomposition putride. Mais on n’avait pas « Mais, dit Payen dans un article du 15 no-
assez prévu que la plus faible altération « vembre 1855, de la Revue des Deux Mon-
survenue dans cette enveloppe, devait néces « des, cet examen fut en quelque sorte rendu
sairement exposer le contenu à l’influence « inutile, car, dès avant l’ouverture des
de l’air. L’action d’un corps anguleux et « caisses, le résultat non douteux de l’expé-
dur, un frottement un peu rude, détermi « rience se manifestait à distance de cha-
nent dans l’enveloppe organique une solu « cune d’elles, par des émanations nauséa-
tion de continuité. Quelques gouttes d’eau « bondes, sur lesquelles il était impossible
peuvent provoquer la moisissure de la géla « de se méprendre. »
tine. Toutes ces causes d’altération, si fré L’issue défavorable de cette tentative
quentes durant les voyages et les transports n’a pas découragé un autre expérimenta
maritimes ou terrestres, mettent à nu la teur, et hâtons-nous de le dire, le résultat
chair musculaire, et en déterminent, par a récompensé ses efforts. M. Marie, ancien
conséquent, la prompte putréfaction. élève de l’École centrale, a réussi, grâce à
Conservée sous cette enveloppe, la viande des précautions toutes spéciales, à conserver
est loin, d’ailleurs, de s’y maintenir fraîche, des viandes par un enduit de gélatine.
ainsi qu’on l’avait espéré. M. Poggiale, pro M. Marie désarticule les membres de l’ani
fesseur de chimie au Val-de-Gràce, a cons mal abattu et expose ces membres, ou les
taté que les sucs séreux de la viande filtrent gros morceaux de viande, au-dessus d’un
à travers cette sorte de gangue gélatineuse, feu ardent, pour éliminer l’air, chasser une
et que celle-ci, une fois humectée, se résout partie de l’eau et tuer les germes de mucé-
en un deliquium dégoûtant. dinés ou les spores capables de provoquer la
Il était peu rationnel en principe de vou fermentation. Alors seulement, il les trempe
loir conserver une matière animale putresci dans de la gélatine pure, qui les recouvre
ble, à 1 aide d’une autre matière organique d’un, enduit préservateur.
putrescible elle-même, et l’expérience mon Pour bien opérer, il faut maintenir le bain
tra combien étaient réelles ces craintes, fon de gélatine fondue à -j- 80°, y plonger les
dées sur une prévision théorique.Sur le bruit viandes/suspenduesàunfil de fer, et les lais
des résultats avantageux obtenus par la mé ser pendant cinq a six minutes dans ce bain.