Page 661 - Merveilles Industrie Tome 4
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LES CONSERVES ALIMENTAIRES.                                655


       qui ont pu s’introduire avec l’air dans la   outrance. Mais les préjugés et la défaveur
        boîte, avant ou après sa fermeture. 11 est cer­  que cetteméthode eut si longtemps à combat­
        tain qu’une seule spore microscopique, un   tre, ont dû disparaître devant les résultats
        seul germe de levûre de bière ou de tout  d’une expérience très-prolongée. On a vu de
        autre germe vivant, suffirait à provoquer la   ces produits se conserver jusqu’à quarante
        fermentation de toute la matière animale  ans sans altération. Les conserves alimen­
        contenue dans la boîte.                   taires, d’abord acceptées avec difficulté,
          Telle est la théorie qui résulte de l’appli­  ayant résisté aux épreuves les plus décisives;
        cation des vues de M. Pasteur, et c’est, nous   des boîtes ainsi préparées ayant fait plu­
        devons le dire, celle qui est le plus en faveur  sieurs fois le tour du monde, pour revenir
        aujourd’hui.                               avec la même fraîcheur, le même goût qu’au
                                                   moment de leur préparation, on a bien été
          Appert renfermait les viandes ou les légu­  forcé de proclamer cette découverte comme
        mes dans des vases de verre. Ce fut un indus­  de premier ordre, comme une véritable et
        triel, nommé Collin, qui, le premier, rem­  inestimable conquête de l’industrie (1).
        plaça les vases de terre par des boîtes de   François Appert avait commencé ses ex­
        fer-blanc. Ces boîtes, étant remplies exacte­  périences en 1796. En 1804, il en fit constater
        ment, sont soudées et placées dans de l’eau  les résultats à Brest, par une commission
        que l’on porte à l’ébullition. Elles se gon­  officielle. La Société d'encouragement dé­
        flent alors par la dilatation des gaz inté­  cerna des médailles en 1816 et 1820, et lui
        rieurs. Après le refroidissement, elles s’a­  accorda un prix de 2,000 francs en 1822. A
        platissent et deviennent concaves ; ce qui   l’Exposition des produits de l’industrie en
        montre bien qu’un des éléments de l’air    1827, et à celle de 1835, il obtint une mé­
        qu'elles contenaient, a été absorbé. Cette   daille d’or. Enfin, le ministre de l’intérieur
        concavité, que présentent les boîtes des  lui accorda, à cette dernière époque, un en­
        conserves, est un indice assuré de la réus­  couragement de 12,000 francs. Mais on avait
        site de l’opération, et on reconnaît au pre­  mis à la délivrance de ce prix la condition,
         mier coup d’œil si les boîtes sont d’une   pour l’inventeur, de rendre ses procédés pu­
         préparation bonne ou mauvaise. Une boîte   blics. Cette clause fut exécutée par François
         d’Appert dont le couvercle est bombé, doit   Appert avec une grande loyauté, par la pu­
         être rejetée, car cette distension du métal  blication qui fut faite par lui, en 1836, du
         montre que la fermentation s’est emparée de   Livre de tous les ménages, ovA' Art de conserver
         la conserve alimentaire, et a provoqué un  pendant plusieurs années toutes les substances
         dégagement de gaz, signe de sa décomposi­  animales et végétales, où se trouve décrit avec
         tion putride. Aussi les fabricants sont-ils   les plus minutieux détails le procédé pour
         dans l’usage de conserver assez longtemps   la conservation des divers produits alimen­
         leurs boîtes en magasin avant de les livrer   taires. Ce livre a été traduit dans presque
         au commerce ; ils ne délivrent au public que   toutes les langues.
         celles qui présentent cette concavité du cou­
         vercle , indice certain d’une bonne conser­  (1) En 1866, dans un banquet à Londres, on ouvrit so­
                                                    lennellement des boîtes qui avaient été rapportées plei­
         vation.                                    nes de conserves de viande, de l’expédition de Parry, au
            Le procédé d’Appert a rencontré dans ses   pôle nord, expédition qui eut lieu en 1826. Ces boîtes
         débuts beaucoup de résistances et d’obsta­  avaient été enterrées par les marins de l’équipage de
                                                    Parry, et retrouvées par de nouveaux explorateurs des
         cles. Les gourmets, ou prétendus tels, diri­  mêmes parages. Or, ces viandes qui avaient quarante ans
         geaient contre ces produits une guerre à   de date étaient encore d’excellent goût.
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