Page 658 - Merveilles Industrie Tome 4
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             des fours. Commencées sous les yeux de  vationdes produits alimentaires qui, mise en
             Louvois, les expériences furent interrom­  pratique jusqu'à nos jours sans aucun per­
             pues par la mort de cet homme d’Etat. On   fectionnement notable, constitue encore la
             les reprit à Lille, en 1753, et à Paris, pen­  base de tous les procédés de conservation
             dant la même année, dans l’hôtel des Inva­  des viandes et des légumes. C’est grâce à
             lides. Le résultat de ces essais avait sans  François Appert que l’on peut manger aux
              doute paru avantageux, caron expérimentait  Grandes-Indes un repas préparé a Paris dix
              encore à Bordeaux, en 1779, l'usage des pou­  années auparavant, et que l’on peut mettre,
              dres de viande pour la nourriture de l’armée.   comme on l’a dit, les saisons en boutéilles.
              Toutefois, les soldats, et notamment ceux du   Tout cela vaut bien F Académie !
              régiment de Sorlis, ayant fait entendre des   Le procédé Appert, pour la conservation
              murmures contre ce nouveau régime, on  des produits alimentaires, est d’une prodi­
              finit par y renoncer.                     gieuse simplicité d’exécution. Il consiste seu­
                Ce fut dans les premières années de notre   lement à enfermer dans un flacon de verre
              siècle, en 1809, qu’un procédé général, d’une  bien bouché les produits à conserver ; à
              valeur inestimable pour la conservation des   placer ce flacon dans un vase plein d’eau
              matières alimentaires, fut découvert en Fran­  bouillante, et à l’y maintenir pendant huit
              ce. Cette admirable méthode fut-elle le ré­  à dix minutes. Après le refroidissement, la
              sultat du hasard ou d’une étude approfondie  matière contenue dans le vase s’y trouve à
              des conditions du problème ? C’est ce qu’il  l’abri de toute altération, et peut y de­
              est impossible de dire. Quoi qu’il en soit,   meurer intacte un grand nombre d’an­
              elle constitue un des plus précieux bien­  nées.
              faits dont l'humanité ait jamais été enrichie,   François Appert avait, dit-on (bien que
              une des plus brillantes et des plus précieu­  cela ne soit point prouvé), emprunté ce pro­
              ses acquisitions delà civilisation moderne.  cédé à la pratique de quelques ménages,
                L’inventeur de ce procédé s’appelait  dans lesquels il s’était transmis par la tra­
              François Appert.                           dition, procédé qui ne s’appliquait toutefois
                François Appert était loin d’appartenir à  qu’à la conservation des fruits. Appert n’a­
               la classe des savants, car il était simple con­  vait donc, et personne n’avait, de son temps,
              fiseur dans la rue des Lombards, titre qu’il  aucune notion exacte sur la nature du phé­
               relevait par la qualité d’élève de bouche de  nomène physico-chimique, très-curieux et
              la maison ducale de Christian IV (1) !     très-délicat, auquel est due la conservation
                 De nos jours, Appert n’aurait pu figurer,   des matières organiques dans la méthode
               sinon à titre de cuisinier, dans les rangs  qui porte son nom. Il expliquait la conser­
               de F Académie des sciences, mais il dota  vation des matières alimentaires traitées par
               l’humanité de ressources nouvelles et ines­  son procédé, par une sorte de mystérieuse et
               pérées. Le régime des marins reçut de lui  vague influence du feu sur le développe­
               une amélioration capitale : on vit presque   ment des ferments organiques.
               aussitôt disparaître les causes d’insalubrité
                                                           « Le feu, ce principe si pur, nous dit le bon
               qui décimaient avant lui les équipages des
                                                         Appert, dans son Livre de tous les ménages, agit de
               flottes. 11 créa une méthode pour la conscr­  la même manière et opère les mêmes effets sur
                                                          toutes les substances alimentaires ; c’est son action
                                                          bienfaisante qui, en les dégageant du ferment tou­
                it) 11 n’était pas cependant de basse extraction. Né à
               Paris vers 1780, il était frère de Benjamin Appert, écri­  jours destructif de leurs qualités primitives, ou en
               vain et philanthrope, auteur d'ouvrages sur l’instruction   les neutralisant, leur imprime ce sceau d’incorrup­
               élémentaire, sur le régime des prisons, etc.   tibilité si fécond en résultats. »
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