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652 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
des fours. Commencées sous les yeux de vationdes produits alimentaires qui, mise en
Louvois, les expériences furent interrom pratique jusqu'à nos jours sans aucun per
pues par la mort de cet homme d’Etat. On fectionnement notable, constitue encore la
les reprit à Lille, en 1753, et à Paris, pen base de tous les procédés de conservation
dant la même année, dans l’hôtel des Inva des viandes et des légumes. C’est grâce à
lides. Le résultat de ces essais avait sans François Appert que l’on peut manger aux
doute paru avantageux, caron expérimentait Grandes-Indes un repas préparé a Paris dix
encore à Bordeaux, en 1779, l'usage des pou années auparavant, et que l’on peut mettre,
dres de viande pour la nourriture de l’armée. comme on l’a dit, les saisons en boutéilles.
Toutefois, les soldats, et notamment ceux du Tout cela vaut bien F Académie !
régiment de Sorlis, ayant fait entendre des Le procédé Appert, pour la conservation
murmures contre ce nouveau régime, on des produits alimentaires, est d’une prodi
finit par y renoncer. gieuse simplicité d’exécution. Il consiste seu
Ce fut dans les premières années de notre lement à enfermer dans un flacon de verre
siècle, en 1809, qu’un procédé général, d’une bien bouché les produits à conserver ; à
valeur inestimable pour la conservation des placer ce flacon dans un vase plein d’eau
matières alimentaires, fut découvert en Fran bouillante, et à l’y maintenir pendant huit
ce. Cette admirable méthode fut-elle le ré à dix minutes. Après le refroidissement, la
sultat du hasard ou d’une étude approfondie matière contenue dans le vase s’y trouve à
des conditions du problème ? C’est ce qu’il l’abri de toute altération, et peut y de
est impossible de dire. Quoi qu’il en soit, meurer intacte un grand nombre d’an
elle constitue un des plus précieux bien nées.
faits dont l'humanité ait jamais été enrichie, François Appert avait, dit-on (bien que
une des plus brillantes et des plus précieu cela ne soit point prouvé), emprunté ce pro
ses acquisitions delà civilisation moderne. cédé à la pratique de quelques ménages,
L’inventeur de ce procédé s’appelait dans lesquels il s’était transmis par la tra
François Appert. dition, procédé qui ne s’appliquait toutefois
François Appert était loin d’appartenir à qu’à la conservation des fruits. Appert n’a
la classe des savants, car il était simple con vait donc, et personne n’avait, de son temps,
fiseur dans la rue des Lombards, titre qu’il aucune notion exacte sur la nature du phé
relevait par la qualité d’élève de bouche de nomène physico-chimique, très-curieux et
la maison ducale de Christian IV (1) ! très-délicat, auquel est due la conservation
De nos jours, Appert n’aurait pu figurer, des matières organiques dans la méthode
sinon à titre de cuisinier, dans les rangs qui porte son nom. Il expliquait la conser
de F Académie des sciences, mais il dota vation des matières alimentaires traitées par
l’humanité de ressources nouvelles et ines son procédé, par une sorte de mystérieuse et
pérées. Le régime des marins reçut de lui vague influence du feu sur le développe
une amélioration capitale : on vit presque ment des ferments organiques.
aussitôt disparaître les causes d’insalubrité
« Le feu, ce principe si pur, nous dit le bon
qui décimaient avant lui les équipages des
Appert, dans son Livre de tous les ménages, agit de
flottes. 11 créa une méthode pour la conscr la même manière et opère les mêmes effets sur
toutes les substances alimentaires ; c’est son action
bienfaisante qui, en les dégageant du ferment tou
it) 11 n’était pas cependant de basse extraction. Né à
Paris vers 1780, il était frère de Benjamin Appert, écri jours destructif de leurs qualités primitives, ou en
vain et philanthrope, auteur d'ouvrages sur l’instruction les neutralisant, leur imprime ce sceau d’incorrup
élémentaire, sur le régime des prisons, etc. tibilité si fécond en résultats. »