Page 655 - Merveilles Industrie Tome 4
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LES CONSERVES ALIMENTAIRES.                                649

           Nous consacrons cette Notice à l’exposé   causes d’altération auxquelles obéissent tous
         des différents procédés qui servent à la pré­  les autres produits du règne végétal, il est
         paration des conserves alimentaires, c’est-à-   certain qu’une partie quelconque d’une ma­
         dire des viandes, des poissons et des légu­  tière organisée, étant abandonnée à elle-
         mes. Mais pour que le lecteur puisse saisir  même, éprouve l'altération spontanée que
         tous les détails des faits que nous aurons à pas­  l’on désigne sous le nom de fermentation,
         ser en revue, nous commencerons par faire   Ae pourriture, Ae putréfaction, et qui a pour
         connaître les principes scientifiques, déduits   résultat final de la détruire, en restituant à
         de l’expérience, qui servent de base à tous   l’atmosphère et au sol les éléments chimi­
         les procédés de conservation des matières   ques qui entraient dans sa composition.
         alimentaires.                                Cette altération spontanée, cette fermen­
                                                    tation naturelle, ou putréfaction, ne peut
                                                    toutefois se produire que lorsque la sub­
                                                    stance organisée est placée dans certaines
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                                                    conditions. Ces conditions sont :
         PRINCIPES SCIENTIFIQUES SUR LESQUELS REPOSENT LES   1° Une certaine chaleur ;
           PROCÉDÉS DE CONSERVATION DES SUBSTANCES ALIMEN­
                                                      2° La présence de l’eau ;
           TAIRES EN GÉNÉRAL.
                                                      3° La présence de l’air ou de l’oxygène ;
           Librement abandonnée à l’action des in­    4° Un ferment organisé vivant.
         fluences extérieures, toute partie d’une sub­  Si la matière organisée est soustraite à
         stance organisée qui a cessé de vivre, ne tarde  l’influence de l une quelconque de ces qua­
         pas à se décomposer. Les corps simples qui  tre conditions, sa décomposition spontanée
         la constituent, l’oxygène, l'hydrogène, le   ne s’opère plus.
         carbone et l’azote, se dissocient, et, contrac­  Personne n'ignore que le froid, ou le
         tant des combinaisons nouvelles, provo­    contact de la glace préservent de toute dé­
         quent, par degrés, la destruction du composé  composition les substances les plus altéra­
         primitif.                                  bles. Dans le nord de la Sibérie, le voyageur
           Nous disons, toute substance qui a cessé  Pallas trouva, en 1799, engagés dans les
         devivre, car les graines, certains fruits et les  glaces éternelles, les restes, parfaitement
          tubercules même, ne s’altèrent pas quand  conservés, d’un mammouth, animal antédi­
          on les abandonne à eux-mêmes. Le germe  luvien, c’est-à-dire dont l’espèce n’existe plus.
          que ces produits recèlent, oppose, par la vi­  Les pêcheurs des bords de la mer Glaciale
          talité qui l’anime, une force de résistance  arctique avaient dégagé ce monstrueux ca­
          énergique à l’action des causes extérieures  davre des glaces oit il était enseveli depuis
          qui tendent à les détruire. Les graines mûres  des centaines de siècles; et ce colosse était
          peuvent se conserver d’une année à l’autre,   encore si bien conservé par son séjour
          et quelques-unes durent des siècles. Qui ne  dans la glace, que sa chair servit à nourrir
          connaît le fait certain, indiscutable, des  les chiens des pécheurs de ces rivages. Ce
          grains de blé trouvés dans les tombeaux  ne fut que par son exposition à l’air, c’est-à-
          égyptiens, et qui, semés, ont germé, donné  dire à une température plus élevée, que le
          des épis et des graines ? On a même appelé blé  corps de ce mammouth, de cet éléphant
          de momie une variété de froment à laquelle  antédiluvien, tomba en putréfaction.
          on attribue cette origine. Mais si l’on en   Oïi sait que pendant l’été on conserve fa­
          excepte ces semences végétales préservées,   cilement dans les glacières la viande de bou­
          par une sage prévision de la nature, des  cherie. Il est depuis longtemps d’usage en
                  T. IV.                                                          353
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