Page 652 - Merveilles Industrie Tome 4
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                lard est la seule substance animale qu’ils  fait fondamental dans l’alimentation, la pri­
                ajoutent habituellement à leur régime.     vation de la viande dans les rations alimen­
                  On est forcé de constater la même pénu­  taires doit porter un grave préjudice à la santé
                rie, en ce qui concerne la consommation de  publique. Sans doute, nos populations pau­
                la viande, chez la plupart des paysans de nos  vres ne souffrent pas de la faim ; mais il est
                plaines. Quant aux pêcheurs disséminés sur  certain qu’elles souffrent d’un manque de
                les côtes de la France, le poisson est, on le   nourriture, résultant de la privation de
                sait, leur seule nourriture ; un repas de  viande. Elles ne meurent pas littéralement
                viande est pour eux un événement. Il n’y a  de faim, mais elles meurent un peu chaque
                que l’ouvrier des villes qui use assez large­  jour, par insuffisance ou inefficacité de ra­
                ment de la viande à ses repas.             tion alimentaire. Dans les villes, la viande est
                  La statistique met en évidence le fait de  à un prix si élevé que l’ouvrier doit consacrer
                l’inégale répartition de la consommation de   une bonne partie de son salaire à son repas
                la viande dans les diverses classes de la so­  de viande, régime à peu près indispensable
                ciété française. Nous venons de dire que   pour lui, en raison de la longue durée de son
                chaque Français devrait consommer, si la  labeur quotidien. Dans les campagnes, le
                répartition de la consommation de la viande   paysan mange, de temps en temps, quelque
                était égale, 18 kilogrammes de viande par an.   tranche de lard ; le dimanche seulement il se
                Or, la consommation de la viande dans les  fait une soupe grasse. Il est triste et pitoyable
                villes dépasse des cinq sixièmes cette consom­  d’entendre dire que nos paysans, tout en
                mation dans les campagnes. D’après M. Mau­  étant assujettis aux plus pénibles travaux,
                rice Rlock, en 1862, 411 villes au dessus de  jouissent d’une santé florissante, bien qu’ils
                 10,000 âmes (comprenant 7,800,000 habi­   ne se nourrissent que de pain, de fromage et
                tants), ont consommé 422 millions de kilo­  de légumes, ce qui prouve, ajoute-t-on, que
                grammes de viande. D’après cela il est resté  l’usage alimentaire de la viande n’est point
                aux 28 autres millions de Français 278 mil­  nécessaire à l’homme. Rien de plus faux
                lions de kilogrammes, c’est-à-dire 9 kilo­  que ce raisonnement. D’abord, l’état floris­
                grammes seulement par personne et par an.   sant de santé des habitants des campagnes
                 Pendant ce temps, la consommation s’élevait  est une hypothèse gratuite. Il suffit de jeter
                 par tête, à Paris, à 74 kilogrammes par per­  un coup d’œil sur les jeunes conscrits que
                 sonne et par an (y compris la marée), et à  les campagnes envoient à nos régiments,
                 53 kilogrammes dans les 411 villes, au-dessus  pour juger tout autrement l’état général de
                 de 10,000 âmes.                           la santé des populations rurales. Donnez
                   Il faut toutefois remarquer que le paysan   chaque jour au paysan une ration suffi­
                 ne consomme pas 9 kilogrammes de viande ;   sante de viande, et vous verrez si les con­
                 il en est réduit à 5 kilogrammes 800 gram­  ditions physiques de son être ne changeront
                 mes, parce que l’habitant des villes au-des­  pas de fond en comble. L’expérience est
                 sous de 10,000 âmes prélève bien pour lui   faite, d’ailleurs. Le jeune conscrit est parti,
                 20 kilogrammes par an.                    pâle, maigre, chétif. Lorsque, après cinq
                   Ainsi, ce sont les paysans, c’est-à-dire les   années de service militaire, pendant les­
                 producteurs des matières premières de l'ali­  quelles il a été soumis à un régime qui com­
                 mentation générale, qui, seuls, de toute la po­  porte la viande, et cela encore dans une
                 pulation, sont a Deu près privés de viande.  proportion bien parcimonieusement calcu­
                   De toutes les ..'distances nutritives, la   lée, il revient à son village, il est robuste
                viande étant celle qt. joue le rôle tout à   et dispos. C’est, dit-on, le service militaire
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