Page 653 - Merveilles Industrie Tome 4
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LES CONSERVES ALIMENTAIRES.                                647

       qui l’a dégourdi, qui a fait du lourd et in­  abord, la réponse à cette question semble
       culte paysan, un homme alerte, intelligent   facile. Le manque d’animaux de boucherie
       et vigoureux. Nous croyons que la nourri­  n’existe pas, tant s’en faut, dans toutes les
       ture est pour beaucoup dans ce résultat. Si   parties de notre vaste globe. Tandis que
       les spectacles variés et instructifs que le  nous manquons, en Europe, de bœufs, de
       jeune soldat a eu sous les yeux, pendant son  vaches et de moutons, il est des contrées plus
       service, ont développé son intelligence, on   heureuses, comme les plaines de l’Améri­
       ne saurait douter qu’un bon régime alimen­  que méridionale, celles de la Hongrie, en
       taire ait préparé son esprit à recevoir de nou­  Europe, diverses régions de l’Asie, et l’Aus­
       velles notions et à en profiter. Dans les cam­  tralie, auxquelles on pourrait joindre, si
       pagnes, un homme qui a son congé, c’est-à-  la civilisation avait pénétré dans ces para­
       dire qui a accompli son service militaire,   ges, d’immenses étendues au cœur de l’Afri­
       est recherché par toutes les filles du canton :   que, qui nourrissent de grandes quantités de
       c’est le coq du village. Les campagnes pro­  troupeaux paissant en liberté dans des her­
       clament donc, sans s’en douter, les avanta­  bages naturels, et dont la viande se perd, inu­
       ges du régime alimentaire animal.          tile à personne. Avec notre luxe de moyens
          On peut conclure de là qu’il est urgent de  de communication, avec nos bateaux à va­
       réformer l’alimentation du paysan. Si l’on  peur, qui franchissent en huit jours l’inter­
       veut créer une population robuste et intelli­  valle qui sépare l’ancien et le nouveau mon­
       gente, il faut remplacer, dans l’alimentation   de ; avec nos chemins de fer, qui couvrent de
       du paysan, les légumes, les fruits, le fro­  leur infini réseau toute la surface du globe,
        mage, les féculents et les farineux, qui  et rattachent d'une manière non interrom­
        alourdissent le corps et nuisent au dévelop­  pue ses points les plus éloignés, comment
        pement des facultés, par l’usage réconfor­  se fait-il que les contrées qui regorgent de
       tant de la viande. Il faut que les paysans  troupeaux, n’expédient pas ces richesses,
        puissent avoir, sinon Va poule au pot, comme  improductives pour eux, aux pays qui en sont
       le voulait le bon roi Henri, au moins de la  privés? Comment n’organise-t-on pas d’im­
       viande deux ou trois fois par semaine. On   menses convois d’animaux vivants, allant de
        verrait alors notre population des champs  la Plata, de la Bolivie ou du Texas en Eu­
        changer d’aspect, tant physique que moral,   rope, de l’Australie en Europe, ou seule­
        devenir apte à s’instruire et à profiter de  ment de la Hongrie en France et en Angle­
        ce qu’on lui aurait appris, se diriger avec in­  terre? Ces échanges de bétail vivant ne sont
        telligence dans ses travaux de culture ou   malheureusement pas réalisables dans la
        d’élève du bétail, s’intéresser aux affaires pu­  pratique, à moins que la distance à franchir
        bliques, comprendre ses intérêts et ses de­  ne soit très-faible. L’Angleterre, la France, la
        voirs. On parle d’instruction obligatoire pour  Suisse,l’Espagne etl’Italie, peuvent échanger
        nos campagnes ; nous n’y contredisons pas,   parles chemins de fer, du bétail vivant; la
        mais nous voudrions que l’on commençât  Hongrie peut en envoyer à toute l’Allemagne
        par la viande obligatoire.                et à la Russie, par des voies ferrées; mais
          Cependant nous n’en sommes pas encore,   faire entreprendre à des troupeaux des voya­
        hélas ! à la viande obligatoire. Nous som­  ges maritimes d’une durée de quelques mois,
        mes, au contraire, en présence d’une triste  serait impossible. Les mouvements du na­
        pénurie de viande, dans le régime alimen­  vire rendent promptement les animaux ma­
        taire des populations, tant rurales qu’ur­  lades; et, d’autre part, la nourriture qu’on
        baines. Qu’v a-t-il donc à faire? Au premier  pourrait leur donner pendant la traversée,
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