Page 65 - Merveilles Industrie Tome 4
P. 65
LE PAIN ET LES FARINES. 59
du pain blanc. Le surplus convient aux animaux, aussi un mauvais procédé, puisqu’il a pour effet
qui nous le rendent sous forme de lait et de de retenir une trop grande proportion d’eau. Ce
viande. mode tend, il est vrai, à disparaître au fur et à
« Ce qui a induit longtemps les chimistes en erreur mesure que le système de mouture dite anglaise
et qui a conséquemment facilité la propagation de s’introduit dans ces localités. Cependant on a essayé
principes et de moyens en contradiction avec les de l’appliquer à Paris en le présentant comme un
véritables lois de l’hygiène et de la nutrition, ce moyen nouveau d’augmenter considérablement le
sont les analyses dont les méthodes reposent sur rendement en pain. Des savants s’étaient laissés
l’emploi des acides et des alcalins ; ces dissolvants, illusionner par des essais comparatifs de produits
attaquant le ligneux, donnent évidemment oes provenant de matières premières différentes ; ils
dosages inexacts et des résultats erronés. Les or ignoraient aussi que ce genre de fabrication qu’on
ganes des animaux n’ont pas la puissance de ces leur présentait comme nouvellement inauguré était
réactifs; les matières qui se séparent au moyen de pratiqué depuis un temps immémorial. Enfin on a
l’action de ces derniers traversent l’appareil digestif faitbeaucoup de bruit de ce vieux système, qui devait
sans être atteintes. J’ai pris du son lavé, je l’ai faire bénéficier la France annuellement de plusieurs
mélangé à d’autres aliments et donné à des chiens centaines de millions. Ce bruit s’est éteint complète
et à des volailles, je l’ai retrouvé intact dans les ment et sans profit positif pour celui qui en a été la
excréments; lavé de nouveau et redonné aux cause, sans satisfaction pour les hommes incom
mêmes animaux à plusieurs reprises, il n’avait pas pétents, qui se sont laissés séduire par des expé
subi la moindre décomposition ; ils le rendaient tel riences mal suivies, et sans le plus petit avantage
qu’ils l’avaient avalé. pour la consommation ; un seul établissement a
« En définitive, tous ceux qui consomment ou persisté à mélanger ses deuxièmes gruaux à ses
donnent à consommer à d’autres du pain qui n’est pâtes, mais le pain qu’il fabrique s’en ressent
pas complètement pur et exempt de son, font un nécessairement et ne se vendrait pas s’il n’était pas
faux calcul ; il n’est pas douteux que, lorsque l’admi donné àun prix inférieur à celui de la boulangerie, et
nistration sera plus éclairée et que les bons prin imposé à une clientèle qui est forcée de prendre ce
cipes d’économie alimentaire seront plus répandus, qu’on lui fournit.
tout le monde mangera du pain blanc, même les « On a essayé également de faire bouillir le son
pensionnaires de l’État. pour en séparer la farine qui y reste adhérée après la
«..........Ce n’est pas par préjugé ou par gourman mouture. On mélange alors la dissolution filtrée
dise que les classes laborieuses, qui consomment aux levains ou à la pâte; d’autres prennent du blé
une plus grande quantité de pain, préfèrent celui concassé dont ils font un empois et qu’ils appliquent
qui est le plus blanc et le plus léger, c’est surtout au même usage. Le riz crevé, les pommes de terre
par économie; les ouvriers, qui le plus souvent le écrasées ont également été essayés, mais tous ces
mangent sec, savent par expérience que, lorsqu’il moyens ont promptement été abandonnés ; ils
possède ces qualités, il les soutient davantage ; ils diminuaient les principes plastiques de l’aliment
poussent la précaution sur ce point jusqu’à se et exagéraient la proportion de principes respira
réserver exclusivement de tremper eux-mêmes toires; le pain était moins beau, plus compacte,
leurs soupes avec le pain de leur choix. Il est facile plus lourd et d'une digestion difficile.
de distinguer dans les campagnes les ouvriers qui « En résumé, on ne saurait trop le repéter, le pain
travaillent dans les champs, et qui généralement de froment est un excellent aliment, à la condition
mangent du pain bis, de ceux qui, dans les d’être sans la moindre adultération. Il contient des
mêmes localités, font des travaux de maçonnerie, matières azotées qui maintiennent à la fois les
forge, charronnage, charpente, menuiserie, etc.; organes en bon état et produisent la force et le
ceux-ci ont bonne mine, sont bien constitués, leurs développement du corps; des matières grasses
enfants sont plus nombreux et plus forts, c’est sucrées et amylacées qui, par leur combustion,
parce qu’ils se nourrissent eux-mêmes et mangent entretiennent la chaleur animale; enfin des matières
généralement du pain blanc qu’ils prennent à la salines qui constituent la charpente osseuse et sont
ville. des éléments indispensables des liquides animaux.
« Dans certaines parties du midi de la France on Mais il faut qu’il soit parfait sous tous les rap
ajoute à la pâte, après un premier pétrissage, des ports (I). »
gruaux non moulus, dans le but de conserver le pain
plus longtemps frais. En effet, ces gruaux, étant Nous passerons à la description d’un pro
mélangés tardivement et n’avant pas le même degré cédé très-original, qui a été imaginé en
de division que la farine affleurée, ne s’assimilent
pas à la pâle, en arrêtent le développement, la mie (1) La meunerie, la boulangerie, la biscuiterie, etc., par
reste très-serrée malgré l’excès du sel qu’on y Cli. Touaillon fils, 1 vol. in-12. Paris, 1867, Librairie agri
•‘joute pour l’extensibilité du gluten; c’est donc là cole. Pages 311 et suivantes.