Page 64 - Merveilles Industrie Tome 4
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58                     MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                      en raison de cette circonstance, que ce pro­  « Le son contient 56 pour 100 de substances qui
                                                                 ne peuvent pas servir à la nutrition ; il empêche le
                      cédé échoua. La meunerie ne pouvait chan­
                                                                pain de lever, le rend lourd, compacte, et le plus
                      ger, sans démonstration d’une bien évi­    souvent lui donne un goût aigre; enfin, il fait du
                      dente utilité, son outillage et son genre de   poids et non du pain, parce que la pâte qui en con­
                      travail. Le procédé Mége-Mouriès resta donc   tient conserve, malgré une cuisson prolongée, plus
                                                                 d’eau que celle qui est faite avec de la farine
                      sans application, malgré les essais très-atten­  fleur.
                      tifs que l’on en fit, en 1860, à la boulangerie   « Il résulté d’expériences auxquelles je me suis
                      centrale des hôpitaux de Paris.            livré pendant de longues années que le pain blanc
                                                                 n’est pas seulement plus agréable, mais qu’il est
                         Nous nous expliquerons maintenant quant
                                                                 aussi beaucoup plus économique. Une des plus
                      au principe même sur lequel M. Mége-Mou-   concluantes est celle-ci :
                      riès fondait son procédé, à savoir, que le pain   « Pendant plusieurs années, j’ai nourri seize em­
                      bis est plus nourrissant que le pain blanc,   ployés des deux sexes et d’âges differents; j’ai
                                                                 alterné semestriellement l’usage du pain blanc et du
                      et qu’il faut, dès lors, extraire des farines   pain bis de bonne qualité, en ayant soin de changer
                      la plus grande quantité possible de son. Ce   également les saisons pendant lesquelles je sou­
                      principe a joui longtemps d’un grand crédit ;   mettais ces mêmes personnes aux deux sortes de
                                                                 pain ; elles avaient, en outre, un régime très-con­
                      mais des expériences directes sont venues
                                                                 fortable composé et alterné de viandes, de poissons
                      démontrer son peu de fondement, et établir   et de légumes, le tout très-convenablement préparé
                      que ce n’est pas sans raison que la meunerie   par la même cuisinière ; elles n’étaient nullement
                                                                 rationnées, se servaient elles-mêmes, et pouvaient
                      arrête au chiffre de 70 pour 100 le rende­
                                                                 satisfaire en tout temps leur appétit. Connais­
                      ment du blé en farine.                     sant d’ailleurs le but de mes expériences, elles
                        Nous trouvons dans un excellent ouvrage   s’v prêtaient volontiers, et je les avais engagées
                      de M. Ch. Touaillon fils, La meunerie, la   à ne pas persister si elles y trouvaient le moindre
                                                                inconvénient.
                      boulangerie, la biscuiterie, cette question
                                                                  « Eh bien, les comptes de consommation ont dé­
                      traitée avec beaucoup de sagacité, et avec le   montré invariablement que, lorsque ces employés
                      secours d’observations comparatives, qui   étaient au régime du pain bis, ils me dépensaient
                                                                 invariablement et sensiblement davantage.
                      établissent, de la manière la plus nette, la su­
                                                                  « Leurs déjections étaient plus considérables sous
                      périorité alimentaire du pain blanc, c’est-à-   le régime du pain bis que sous le régime du pain
                      dire obtenu d’un blutage à 70 pour 100, sur le   blanc. Dans le même moment, je suivais des expé­
                      pain bis, c’est-à-dire sur le pain obtenu en   riences du même genre dans la campagne, et les
                                                                 amis que j’avais déterminés à substituer pour la
                      laissant dans la farine les gruaux et une par­  nourriture de leurs ouvriers le pain blanc au pain
                      tie du son.                                bis sont arrivés au même résultat économique que
                                                                 moi; ils ont trouvé en outre que leurs ouvriers
                        « Que n’a t on pas dit sur la supériorité du pain   nourris de pain blanc travaillaient davantage et
                      bis sur le pain blanc, dit M. Ch. Touaillon, et   étaient moins accessibles aux maladies.
                      particulièrement sur les propriétés alimentaires et   « J’ai été plus loin, j’ai confectionné du pain avec
                      digestives du son qui entre dans ces farines dans   des farines de première qualité, 70 pour 100 d’ex­
                      des proportions plus ou moins fortes? Certainement   traction; puis, à la même farine j’ai mélangé les
                      le son produit une action rafraîchissante et purga­  C pour 100 de farine bise provenant des remoutures
                      tive due à la céréaline qui fluidifie une partie de la   du même blé; ce mélange a produit, bien entendu,
                      substance amylacée, mais c’est cette action même   une plus grande quantité de pain, mais il a été con­
                      qui doit le faire éliminer avec soin de la farine;   sommé plus vite ; c’est donc en pure perte que les
                      car, ce qui peut être accidentellement et exception­  farines bises sont employées parce que le son
                      nellement avantageux pour quelques sujets, devient   qu’elles contiennent inévitablement rend le pain
                      un inconvénient pour le plus grand nombre.  moins assimilable. 11 est donc évident que tous les
                        « N’est-ce pas, en effet, la grande quantité de son   hommes devraient manger du pain blanc et qu’au !
                      que contient le pain de campagne qui oblige ceux   lieu de rechercher à augmenter l’extraction, comme j
                      qui le consomment à faire quatre et cinq repas par   les gens incompétents ont toujours proposé de le i
                      jour, tandis que les ouvriers des villes n’en font   faire, il est de bonne économie de s’arrêter à un ;
                      que trois dans le même temps ?             rendement suffisant pour produire exclusivement
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