Page 604 - Merveilles Industrie Tome 4
P. 604

598                    MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                  La graine de colza se vend, en moyenne,   pavot œillette de mêler cette huile à l’huile
               25 francs l’hectolitre. Les graines de bonne  d’olive, sous peine d’une amende de 3,000
               qualité sont rondes, noires et dures; écra­  livres ; ce qui n’empêcha pas, d’ailleurs, les
               sées, elles ont une chair jaune foncé, qui  marchands d’huile d’effectuer ce mélange.
               graisse beaucoup. Les graines de couleur     Le 11 mars 1735 et le 11 juillet 1742, de
               rougeâtre sont moins estimées.             nouveaux arrêts furent portés par le Châtelet
                  Les meilleures graines de Flandre sont  contre l’usage de l’huile d’œillette, et, en
               celles que l’on récolte à Cambrai, à Douai   1755, le parlement lui-même s’associa aux
               et à Hazebrouck. Celles des environs de Lille  mêmes défenses.
               sont plus grosses, mais un peu moins         L’abbé Rozier, qui ne partageait point les
               grasses.                                   préjugés de son temps contre les prétendus
                 L’huile que l’on extrait du colza a une  effets pernicieux de l’huile extraite des
               couleur jaune, une odeur forte et une saveur  graines de pavot œillette, et qui appuyait
               peu agréable, qui empêche de la consacrer  ses dires sur l’opinion formelle de la Faculté
               à l’usage alimentaire. L’éclairage et la fabri­  de Paris, se livra lui-même à une suite d’ex­
               cation dessavons sont ses applications prin­  périences, qui mirent tout à fait hors de
               cipales. Quand elle a été bien épurée, elle   doute que l’huile de pavot ne contient
               donne un fort bel éclairage. Aussi est-elle  aucun principe narcotique. Fort de ses
               très-répandue pour cet emploi, dans la plus  observations, l’abbé Rozier demanda, en
               grande partie de la France. Il faut seulement  1773, au lieutenant général de police que la
               qu’elle soit de fabrication récente, car, avec  Faculté fût de nouveau consultée sur cette
               le temps, elle se charge d’acide gras, et alors  question. Le 12 février 1774, la Faculté de
               elle charbonne les mèches et produit de la   Paris, confirmant l’avis qu’elle avait exprimé
               fumée en brûlant. L’huile, même épurée,    cinquante- sept ans auparavant, émit une
               lorsqu’elle a vieilli, devient visqueuse, aug­  opinion complètement favorable aux idées de
               mente de densité et n’est plus bonne qu’à  l’abbé Rozier, et demanda en conséquence,
               fabriquer des savons.                      le retrait des arrêtés qui défendaient l’usage
                 Les huiles de colza se vendent par tonnes  de l’huile de pavot, ou qui ordonnaient de
               de 100 kilogrammes.                        la mélanger avec d’autres substances. Cette
                 Huile d’œillette. — L’huile d’œillette s’ex­  demande eut gain de cause ; des lettres
               trait du Pavot œillette (Papaver somniferim),   patentes furent rendues pour rendre publi­
               belle plante annuelle,de la famille des Papa-  que la décision obtenue par la persévérance
               véracées. La graine qui fournit l’huile, est  et le zèle de l’abbé Rozier.
               contenue dans un fruit sec et globuleux      Grâce à cette décision, la culture du pavot
               connu vulgairement sous le nom de capsule,   qui, avant cette époque, ne se faisait qu’en
               ou tète de pavot.                          Flandre, s’introduisit, à la fin du siècle der­
                 La culture du pavot pour l’extraction de   nier, dans les provinces de l’Artois, de l’Al­
               l’huile, ne remonte qu’au siècle dernier. Les  sace et de la Lorraine. En 1820, année
               propriétés narcotiques du pavot faisaient  durant laquelle périrent un grand nom­
               craindre que l’huile extraite de ses graines  bre d’oliviers, dans le midi de la France, la
               ne fût nuisible à la santé. En 1718, le lieu­  Société centrale d’agriculture de Paris activa
               tenant général de la police du royaume, en  la culture du pavot, en proposant des prix
               dépit de l’avis contraire de la Faculté de  de 2,000 et 1,000 francs à ceux qui la pra­
               Paris, fit rendre une sentence au Châtelet,  tiqueraient dans les localités où elle était
               interdisant à tous les marchands d’huile de  encore inconnue.
   599   600   601   602   603   604   605   606   607   608   609