Page 565 - Merveilles Industrie Tome 4
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LE VINAIGRE.                                  559

        trempe dans ce vase l’extrémité d’une ba­  Ces procédés sont au nombre de deux :
        guette de verre. Le voile du mycoderme  le procédé d’Orléans et le procédé allemand.
        s’y attache et l’on porte ensuite la ba­     Le procédé d’Orléans consiste, comme il a
        guette dans le liquide de la cuve. Le voile   été dit plus haut, à verser tous les huit jours,
        mycodermique s’en détache et reste à la  dans chaque tonneau, 10 litres de vin, que
        surface du liquide à ensemencer. On répète  l’on a fait préalablement tomber à plusieurs
        cette manipulation tant qu’il y a une por­  reprises le long de copeaux de hêtre ; en même
        tion de voile à la surface du petit vase.  temps, qu’on retire du tonneau, par un ro­
          Le procédé d’acétification de M. Pasteur  binet inférieur, huit à dix litres de vinai­
        a cet avantage que l’opération se fait dans  gre, c’est-à-dire un volume à peu près égal
        des cuves couvertes, à une température  à celui du vin qui a été; ajouté. Cette addi­
        relativement basse, et que l’on peut diriger  tion de vin et ce tirage d’un même volume
        à son gré la fabrication. Les petits êtres  de vinaigre, se répètent tous les huit jours,
        que l’on nomme les anguillules du vinaigre,   pendant un mois environ. Au bout de ce
        et qui sont un obstacle à la bonne fabrica­  temps, le liquide s’est transformé en totalité
        tion, sont exclus du liquide en train de  en vinaigre.
        s’acétifier. Enfin, selon M. Pasteur, les per­  Dans le procédé allemand, le liquide al­
        tes y sont beaucoup moindres que par le  coolisé que l’on veut acétifier, tombe goutte
        procédé des copeaux. L’acétification, toutes  à goutte, par les extrémités de ficelles, sur
        choses égales d’ailleurs, est trois à quatre fois  des copeaux de bois de hêtre, entassés dans
        plus rapide que parle procédé d’Orléans.   de grands tonneaux.
                                                     Le procédé allemand est très-expéditif,
          MM. Breton-Lorion ont mis en pratique,   mais il ne peut s’appliquer au vin ni à la
        à Orléans, le procédé que nous venons  bière en nature, et ses produits sont de qua­
        de décrire, c’est-à-dire la fabrication du  lité inférieure. Le prix des vinaigres de vin
        vinaigre par l’ensemencement des vins avec  est, en effet, environ deux fois plus élevé que
        le mycoderme ; mais ils opèrent par dis­   celui des vinaigres d’alcool, dénomination
        continuité, c’est-à-dire qu’ils n’ajoutent pas  par laquelle on désigne les vinaigres fabri­
        de vin pendant l’acétification des cuves, afin  qués par le procédé allemand.
        de ne pas altérer le voile mycodermique et   Ce procédé occasionne, en outre, des
        d’épargner la main-d’œuvre. Quand les  pertes considérables de produit, parce que
        cuves ont servi à une opération, ils les lavent  le liquide alcoolique très-divisé est tou­
        et les mettent en train de nouveau. Ils  jours soumis à un courant d’air qui s’est
         opèrent ainsi au moins cinq fois plus vite  échauffé par le phénomène chimique de
         que par le procédé d’Orléans, car ils pro­  l’acétification.
         duisent de 12 à 15 hectolitres de vinaigre   La méthode d’Orléans donne évidemment
         par jour, au lieu de 2 à 3. Il faut seulement  de meilleurs produits que la méthode alle­
         reconnaître que ce vinaigre n’a ni l’odeur ni  mande. Mais la véritable cause de la supério­
         le bouquet de celui d’Orléans ; de sorte qu’on  rité des vinaigres d’Orléans, tient, selon
         est forcé de le mélanger ou de l’employer à  M. Pasteur, non à ce qu’ils proviennent du
         des recoupages, pour l’écouler sur le marché.  vin, mais à leur mode de préparation. Le li­
                                                   quide acide n’étant pas exposé, comme dans
           Pour apprécier, avec équité, la méthode  le procédé de Schutzembach, à une évapora­
         d’acétification de M. Pasteur, il faut la com­  tion incessante, par sa continuelle diffusion
         parer aux procédés actuellement en usage.  dans l’air, et par l’élévation de température
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