Page 529 - Merveilles Industrie Tome 4
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L’ALCOOL ET LA DISTILLATION.                             523

         supérieur d’autorité, le blé même fut, à  opération, il ne reste plus qu’à le distiller
         cette époque, détourné de son emploi natu­  dans les appareils ordinaires.
         rel dans l’alimentation, et consacré, par les   L’eau-de-vie ainsi obtenue est d’un assez
         mêmes procédés, à la préparation de l’alcool.   bon goût. Elle offre seulement une légère
         Il était donc tout simple,en présence de l’ex­  odeur empyreumatique dont il serait facile
         cessive cherté des alcools qui arriva en 1854,   de la débarrasser par des distillations suc­
         que l’on songeât à transporter dans l’indus­  cessives.
        trie le fait de la saccharification du bois, qui   Si l’on s’en rapporte aux essais qui ont été
        était demeuré jusqu’ici dans le domaine ex­  faits en 1854, par M. Arnould, 100 kilogram­
        clusif de la science ; et tel était le but que s’é­  mes de bois donneraient de 75 à 80 pour 100
        tait proposé M. Arnould. Voici le procédé   de sciure sèche, et produiraient, après la sac­
        dont ce chimiste faisait usage.            charification, 200 litres d’alcool. Au prix ac­
           Pour transformer le bois en sucre de  tuel de l’acide sulfurique et de l’alcool, et
        raisin et ultérieurement en alcool, on com­  quand même on renoncerait à tirer aucun
        mence par réduire en sciure le bois blanc,   parti de l’acide sulfurique provenant des
        le peuplier par exemple , qui convient  opérations,l’industrie trouverait dans la mise
        parfaitement à cet objet, et on le dessè­  en pratique de ce procédé un certain béné­
        che dans une étuve chauffée à + 100°  fice. Mais il est certain que l’on pourrait
        par de la vapeur d’eau bouillante, ce qui   tirer parti de l’acide sulfurique employé
        lui fait perdre la moitié de son poids.    dans le traitement du bois; on pourrait le
        A la sciure ainsi desséchée, on ajoute un   consacrer, par exemple, a la décomposition
        poids égal d’acide sulfurique ordinaire; on   du stéarate et de l’oléate de chaux dans les
        agite, on divise, on triture ce mélange avec  fabriques de bougie stéarique où l’on a
        une spatule et on l’abandonne à lui-même,   recours à cet acide pour convertir, le stéa­
        pendant vingt-quatre heures. Au bout de   rate de chaux en acide stéarique; la dé­
        ce temps, on délaye la masse dans de l’eau,   pense de l’acide sulfurique serait ainsi à
        et le liquide est porté à l’ébullition. Par l’ac­  peu près annulée.
        tion de l’acide sulfurique s’exerçant à cette   Hâtons-nous pourtant d’ajouter que l’in­
        température élevée, le bois est totalement  dustrie ne s’est pas emparée sérieusement
        converti en glucose ; la liqueur refroidie  du fait que nous venons de signaler. L’a­
        consiste donc en une dissolution de glucose  baissement considérable qui arriva en 1858
        dans l’eau, mêlée à l’excès d’acide sulfu­  du prix de l’alcool par suite de l’abon­
        rique ayant servi à l’opération. Pour dé­  dante récolte des vins, enfin la disparition
        barrasser la liqueur de cet acide sulfurique,  générale de l’oïdium, firent en même temps
        il suffit d’y ajouter une quantité suffi­  disparaître les avantages que l’on aurait pu
        sante de craie (carbonate de chaux); l’a­  retirer industriellement de la saccharifica­
        cide sulfurique, changé en sulfate de chaux,  tion du bois. La saccharification des grains
        insoluble dans l’eau, se précipite, tandis  et celle de la pomme de terre, servent donc
        que l’acide carbonique de la craie se dégage.   seules aujourd’hui à la production de l’al­
        Quand le sulfate de chaux s’est entièrement  cool au moyen des matières végétales, pou­
        précipité par le repos, on décante le liquide,  vant se transformer en sucre par l’action de
        qui est immédiatement soumis à la fermen­  la diastase ou des acides.
        tation alcoolique, grâce à l’addition d’une   Cependant un fait chimique et industriel
         fertaine quantité de levùre de bière. Pour  d’une grande importance est demeuré ac­
        obtenir l’alcool formé dans cette dernière   quis par les expériences de M. Arnould re­
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