Page 528 - Merveilles Industrie Tome 4
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522                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                                                            nés bientôt, faute de l’excitant naturel de
                                                           ce genre de recherches, faute d’opportunité,
                             CHAPITRE XIV
                                                           qui ôtait toute chance de bénéfice dans la
                   LA FABRICATION DE L’ALCOOL Aü MOYEN Dü BOIS.  pratique de cette opération. C’est dans cette
                                                           catégorie qu’il faut ranger, entre autres ten­
                   Ce n’est pas seulement avec les graines  tatives, des recherches faites en 1840 dans
                 et la fécule de pommes de terre que l’on peut  une usine de Clichy, par M. Triboulet, qui
                 fabriquer du glucose destiné à être trans­  avait essayé de transformer le bois en alcool
                 formé en alcool par la fermentation. Des  en le traitant par l’acide sulfurique, avec la
                 expériences exécutées en 1854 ont prouvé   pensée de consacrer ensuite cet acide sulfu­
                 que l’on peut fabriquer du glucose avec le  rique à la préparation des acides gras.
                 bois.                                       Mais les circonstances viennent à chan­
                   Ce fait est assez curieux, assez fécond en  ger, et le problème, repris sous l’aiguillon
                 conséquences, pour nous arrêter un moment.  de l’opportunité, est presque immédiate­
                   Comment peut-on produire du sucre  ment résolu. Le prix des alcools subit, vers
                 avec le bois ?                            1854, un grand accroissement par suite de
                   Sous le rapport de sa composition, la ma­  l’envahissement des vignes par l’oïdium.
                 tière pure du bois, c’est-à-dire le ligneux,   On songea aussitôt à reprendre les essais de
                 ne diffère du sucre de raisin, ou glucose,   fabrication de l’alcool au moyen du bois.
                 que par la présence d’une certaine quantité   En 1854, M. Arnould, élève du laboratoire
                 d’hydrogène et d'oxygène existant en plus  de Pelouze, réussit à produire industrielle­
                 dans ce dernier produit, et, dès l’année 1825,   ment la saccharification du bois, réalisée
                 on avait découvert le moyen de transformer  pour la première fois par Braconnot, en
                 le ligneux en glucose. A cette époque     1825.
                 Braconnot, chimiste de Nancy, dans un       On s’était adressé, jusqu’à ce moment, à
                 travail qu’il faut considérer comme l’un  toutes les substances susceptibles de fournir
                 des plus importants de la chimie moderne,   de l’eau-de-vie par la fermentation. Nous ve­
                 découvrit qu’en traitant par l’acide sulfu­  nons de voir que l’on fait aujourd’hui de l’al­
                 rique diverses matières contenant du li­  cool avec toutes les matières qui renferment
                 gneux plus ou moins pur, tels que de la  du sucre, ou qui peuvent en fournir par une
                 sciure de bois, du papier, des linges de   opération peu coûteuse. Depuis l’année 1853
                 toile ou de coton, etc., on transforme ces  un nombre considérable de fabriques de
                 matières en sucre de raisin, en provoquant  sucre de betterave se sont transformées en
                 sur le ligneux la fixation d’une certaine  distilleries ; au lieu de consacrer la betterave
                 quantité d’eau. Braconnot avait reconnu  à l’extraction du sucre, on soumet, comme
                 que, dans cette circonstance, les substances  nous l’avons dit, à la fermentation les li­
                 ligneuses donnent une quantité de sucre   quides sucrés fournis par cette racine, pour
                 un peu supérieure au poids de la matière   en retirer ensuite l’alcool. La pomme de
                 employée.                                 terre, l’orge et le seigle, soumis, comme
                   Si l’industrie ne s’était pas immédiate­  dans les brasseries, à l’action de la dia,~
                 ment emparée de l’admirable découverte  stase ou de l’orge germée, l’asphodèle, etc.,
                 du chimiste de Nancy, c’est que les besoins  ont été consacrés jusqu’à l’année 1853 à
                 du moment ne se rapportaient pas à ce  la fabrication de l’eau-de-vie. Par un abus
                 genre de produit. Plusieurs essais entre­  condamnable auquel la sagesse du gouver­
                 pris dans cette direction, furent abandon­  nement mit un terme, en vertu d’un acte
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