Page 50 - Merveilles Industrie Tome 4
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                     lionner l’opération même de la panification.  ou par des chevaux. Salignac fit en un quart
                       Le pétrin et le four ont été, de nos jours,   d’heure, en présence d’une commission de
                     l’objet de beaucoup de tentatives de perfec­  P Académie des sciences de Paris, du pain,
                     tionnements. Nous allons voir dans quelle  qui fut trouvé excellent.
                     mesure ces tentatives ont réussi.            En 1761, Cousin, boulanger de Paris,
                       Dans le pétrissage, le geindre, bras et  présenta une autre machine du même
                     torse nus, arrose littéralement la pâte de  genre, qui fut essayée aux Invalides.
                     sa sueur. Cette opération qui mélange à      En 1811, un autre boulanger de Paris,
                     la pâte du pain les sécrétions humaines,  Lambert, inventa un pétrisseur mécanique,
                     révoltait depuis longtemps les consomma­  qui reçut le nom de lambertine. C’était une
                     teurs délicats et soucieux de leur santé. Dans  caisse quadrangulaire en bois, qui tournait
                     notre siècle où les progrès mécaniques ont  autour d’un axe horizontal. Mais cet appareil
                     marché de pair avec ceux des sciences phy­  n’opérait qu’un mélange de farine et d’eau,
                     siques, on ne pouvait tolérer une si triste,   et non un pétrissage proprement dit ; aussi
                     une aussi dégoûtante anomalie. 11 fallait  n’eut-il aucun succès.
                     trouver un appareil qui exécutât mécani­     Lambert inculqua une erreur dange­
                     quement le travail de la pâte du pain, qui  reuse, celle de supprimer le délayage, mais
                     évitât les inconvénients d’un procédé de pé­  il eut le mérite de donner le signal de l’intro­
                     trissage barbare et répugnant.            duction de la mécanique dans la boulan­
                       Le pétrin mécanique est une des plus utiles  gerie.
                     inventions de notre temps. Il est vrai que cet   Fontaine, boulanger de Paris, ajouta à
                     appareil n’est pas encore adopté d’une ma­  la lambertine deux barres de bois, placées
                     nière générale, mais il est en usage dans  en diagonale, et se croisant sans se toucher.
                     tous les grands établissements publics, en  Ce pétrin fut encore un peu perfectionné
                     Erance et à l’étranger, ce qui fait espérer  par les frères Mouchot, qui l’appliquèrent
                     qu’il finira par pénétrer dans la petite bou­  avec un certain succès dans leur boulange­
                     langerie.                                 rie aérotherme de Montrouge.
                       Un exposé des tentatives successives qui   Cependant ces pétrins présentaient un
                     ont été faites pour la création du pe'Zrwi mé­  grave inconvénient : ils supprimaient le
                     canique, ne sera pas sans intérêt pour le  délayage, et le pétrissage s’opérait en vase
                     lecteur.                                   clos. L’exacte fermeture du pétrin empê­
                       Roland, de son vivant boulanger à Paris,   chait le contact renouvelé de l’air avec la
                     auteur de travaux remarquables relatifs à  pâte. Or, l’air est indispensable, non-seule­
                     son art, est le premier qui ait trouvé la solu­  ment à la fermentation, mais encore à la
                     tion pratique du problème de la panification  panification. La fermentation ne peut s’éta­
                     par les moyens mécaniques ; mais il avait  blir sans le concours de l’air, auquel elle
                     eu des prédécesseurs, dont il serait injuste  emprunte son oxygène. Le pétrissage doit
                     de passer les travaux sous silence.        introduire de l’air et le retenir dans les
                        Il y a plus d’un siècle que fut inventé le  pores de la pâte, pour que la fermentation
                     premier pétrin mécanique. En 1760, Sali-  continue, et que le gaz acide carbonique se
                     gnac, boulanger de Paris, essaya, mais sans  dégage et fasse lever la pâte. Le pétrisseur
                     aucun succès, un pétrisseur mécanique. Le  Fontaine ne pouvait donc procurer de meil­
                     pétrisseur de Salignac était une sorte de  leurs résultats que la lambertine, puisqu’il
                      herse qui tournait circulairement en agitant  excluait la présence de l’air pendant le
                      la pâte, et qui était mue par une manivelle  pétrissage.
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