Page 471 - Merveilles Industrie Tome 4
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L’ALCOOL ET LA DISTILLATION                              465

           marchand de mousselines de Rouen établi à  avaient autant de droits que lui à la recon­
           Nîmes, qui apporte à Montpellier un appareil   naissance de la postérité.
           nouveau pour la distillation des vins, et qui,   En 1855, à la sollicitation de l’abbé
           sur cette seule annonce, est accueilli à  Hippolyte Adam, chanoine de la paroisse de
           Montpellier avec toutes sortes d’empres-  Saint-Pierre, à Montpellier, neveu d’Edouard
           s ment et d’égards. Le préfet de l’Hé-  Adam, et sous l’instigation de l’évêque de
           riult se hâte de nommer, pour examiner  Montpellier, le conseil d’arrondissement de
           son invention, une commission de profes­  Montpellier émit le vœu qu’un monument
           seurs et de savants. Il organise une expé­  fût érigé à Édouard Adam, sur l’une des
           rience publique sous les yeux de cette com­  places publiques de cette ville. Le conseil
           mission et en présence de tous ceux que cette  général du département s’associa, avec em­
           question intéresse. L’expérience se fait solen­  pressement à ce vœu.
           nellement, dans le laboratoire de la Faculté   Dès que les sociétés savantes de Rouen,
          de médecine, et ses résultats sont à peine   c’est-à-dire V Académie des sciences et des
          connus que chacun se répand en admiration  lettres, la Société libre d’émulation du com­
          et en éloges; de sorte qu’Edouard Adam ob­  merce et de l’industrie, la Société d’agricul­
           tient tout de suite le privilège, qui ne s’ac­  ture, eurent connaissance de ces décisions,
          cordait pas aussi facilement qu’aujourd’hui,   elles se hâtèrent de s’y associer, et dans des
          qui lui garantit la propriété de son invention.   adresses au préfet et au conseil général de
          Bientôt après, loin de voir dans Édouard  l’Hérault, elles témoignèrent de toute leur
          Adam, comme le ditM. Girardin «un ennemi  reconnaissance pour un vote si honorable
          dangereux pour le pays qui l’a reçu», on met  pour leur compatriote, et s’engagèrent à
          à sa disposition tous les fonds dont il a besoin  apporter un concours efficace à l’œuvre de
          pour la construction de ses appareils, et il  gratitude projetée en faveur d’Édouard
          dépense plus d’un million, fourni par les  Adam. Dans les départements du Nord et
          capitalistes du Midi. S’il meurt insolvable,   du Pas-de-Calais, où la distillation des bet­
           laissant 400,000 francs de déficit, s’il ne  teraves, des mélasses et des grains, a pris un
           l'ait pas de meilleures affaires à Montpellier,   si grand développement, la presse soutint le
          qu’il en avait fait à Rouen et à Nîmes, ce n’est  projet d’un monument à élever à Édouard
          pas assurément la faute des populations mé­  Adam.
          ridionales, mais le résultat de son défaut   Les fonds pour l’exécution de ce monu­
          absolu de connaissances dans les arts méca­  ment furent votés par le conseil général du
          niques.                                    département de l’Hérault, et la statue d’É­
             On est vraiment confondu du reproche  douard Adam fut érigée le 10 mai 1860, au
          d’ingratitude adressé par M. Girardin, à pro­  bout de l’Esplanade de Montpellier.
          pos d’Édouard Adam, aux habitants du midi    Elle représente l’inventeur en redin­
          de la France, en présence des témoignages  gote, tenant à la main une éprouvette. Un
          extraordinaires d’honneurs qui ont été ac­  croquis de ses œufs de cuivre est gravé sur
          cordés à l’inventeur rouennais, honneurs  l’un des bas-reliefs de la statue.
          mérités sans doute, mais qui ont eu l’incon­  L’hommage public que le midi de la
          vénient de faire oublier qu’Édouard Adam   France a rendu à la mémoire d’Édouard
          ne fut pas le seul à bien mériter du pays par  Adam, en lui élevant une statue à Montpel­
          sa découverte, et que Solimani et Isaac Bé­  lier, répond péremptoirement au reproche
           rard, qu’on a laissés dans l’ombre, pour exal­  d’ingratitude que M. Girardin n’a pas craint
           ter l'unique personnalité d’Édouard Adam   d’adresser aux Languedociens. Si les Langue-
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