Page 465 - Merveilles Industrie Tome 4
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L’ALCOOL ET LA DISTILLATION.                              459

            pour obtenir plusieurs distillations à la fois au moyen   les nombreuses personnes qui venaient lui
            d’un seul feu.                            serrer la main et le féliciter. Il ne put ce
              « Que Bérard, au contraire, a combiné les anciens
            moyens de rectification abandonnés, méprisés par  jour-là revenir au Grand-Gallargues et ne
            les nouveaux chimistes et par Adam lui-même, avec  partit que le lendemain.
            des moyens qui évitent les inconvénients qui avaient   Les habitants du village allèrent l'attendre
            fait rejeter les appareils des anciens.
              « ...Que la série de cases d’Adam non contiguës,   à son arrivée, et le reconduisirent joyeuse­
            mais réunies par des tuyaux ascendants et descen­  ment chez lui, au son du hautbois populaire.
            dants et dépourvus de tubes plongeurs, ne pouvait   Le lendemain, les communes des environs
            pas être comparée avec le cylindre de Bérard qui
            ne forme qu’un seul vase à surfaces multipliées au   dans lesquelles les distillateurs faisaient
            moyen de compartiments qui retardent le passage   usage de son appareil, vinrent le féliciter de
            des vapeurs, les forcent à rester longtemps en   la même manière. Les fabricants d’eaux-
            contact avec les surfaces réfrigérantes, mais ne   de-vie qui employaient son alambic, arrê­
            peuvent pas les contenir entre deux d’entre eux, et
           les empêche de parcourir la moitié ou la totalité de   tèrent leurs feux, pour couvrir leurs chau­
            ce cylindre.                              dières de rubans et de feuilles de laurier,
             « Que les cases d’Adam prises séparément ou dans   enfin les autorités municipales de ces com­
           leur ensemble, ne rapportent pas le phlegme à la
            chaudière, ont besoin d’un canal particulier et dis­  munes offrirent un banquet à l’heureux
            tinct du chemin des vapeurs, qui les conduit au ser­  triomphateur.
            pentin.                                     Ce triomphe devait être de peu de durée !
              « Que la rectification de l’alcool par la transition
            des vapeurs dans une série de cases était un moyen   Edouard Adam était mort, avons-nous dit,
           connu, une propriété publique avant Adam.  pendant le cours du procès qu’il avait intenté
             « ...Par ces motifs, le tribunal démet les frères   à Isaac Bérard; mais ses frères, Zacharie et
            Adam de l’appel relevé par leur frère des jugements   Frédéric Adam, avaient continué l’exploita­
           rendus par le juge de paix de la seconde section de
            Montpellier les 21 janvier 1806 ; et disant droit sur les   tion de ses appareils, de concert avec la
           appels incidents relevés par Bérard etHéran, main­  compagnie financière dirigée par Durand-
            tient Bérard dans la paisible jouissance de son   Palerme. Isaac Bérard ayant pris, le 16 juin
            appareil tel qu’il est décrit dans son mémoire des­
            criptif; fait défense aux frères Adam de lui don­  1807, un nouveau brevet pour faire, avec
           ner aucun trouble ni empêchement ; maintient   son appareil, sans plus de frais, une pièce do
            Heran dans la paisible jouissance de son serpentin   trois-six par jour, les frères Adam l’attaquè­
            à vin.                                    rent comme contrefacteur d’un prétendu
             « Sur toutes les autres demandes met les parties
            hors d’instance, condamne les frères Adam à  perfectionnement d’Edouard Adam. C’était
            l’amende et aux dépens envers toutes parties. Or­  un second procès qui s’ouvrait, et il devait
            donne que les amendes consignées par Bérard et   être plus pénible que le premier. •
            Héran, seront restituées. »
                                                        Isaac Bérard jugea nécessaire à l’instruc­
              Le gain de son procès fut pour Isaac Bé­  tion de ce nouveau procès, de se rendre à
            rard l’occasion des manifestations les plus  Paris. Il voulait faire apprécier son inven­
            flatteuses de la part des personnes les plus  tion aux savants de la capitale, et publier
            honorables de Montpellier et des habitants   leur opinion. Il fit à cheval le voyage de
            de son village natal. Isaac Bérard, par la  Nîmes à Paris. Son appareil fut monté par
            bonté de son cœur, s’était fait des amis des  lui à la fabrique de produits chimiques des
            experts nommés à Montpellier pour l’in­   Ternes, et il en sollicita l’examen de .a So­
            struction de son procès. Mon oncle, Pierre  ciété philomatique, qui était alors le véri­
            Figuier, un de ces experts, l’avait accueilli  table Institut.
            avec la plus vive sympathie, et le jour où le   Le 30 août 1809, Berthollet et Chaptal,
            jugement fut prononcé, Isaac Bérard se tint  qui avaient suivi toutes les opérations faites
            dans le salon de mon oncle, pour recevoir  par Bérard avec son appareil, à la fabrique
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