Page 462 - Merveilles Industrie Tome 4
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456 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
« Ce mécanisme étant bien compris, on doit s aper contrefaçon de l’appareil d'Adam ; et, s’il
cevoir qu’en tournant les robinets L et K, simulta n’était pas une contrefaçon, d’établir les si
nément ou séparément, plus ou moins, à droite ou à
gauche, on obtient l’alcool au degré que l’on désire, militudes ou les dissimilitudes qui devaient
parce qu’alors on fait parcourir à la vapeur un tra exister entre ces deux appareils.
jet plus ou moins long (1). « Le procès était à peine commencé qu’Ë-
douard Adam tombe malade, et meurt, le
L’appareil d’Isaac Retard était donc vérita 10 novembre 1807. Sa succession présentait
blement le rudiment de la colonne analyseuse un déficit de 400,000 francs. Sa veuve, ef
de nos alambics actuels. Elle était disposée frayée de l’état où il avait laissé ses affaires,
horizontalement, tandis que, dans nos appa répudia l’héritage; mais ses frères, Frédéric
reils actuels, elle est verticale ; mais le prin et Zacharie Adam, l’acceptèrent, sous béné
cipe de l’invention résidait tout entier, ainsi fice d’inventaire, et résolurent de continuer
que son application pratique, dans le cylin le procès commencé, espérant sauver ainsi
dre à diaphragmes du distillateur langue les intérêts, déjà bien compromis, de leur
docien. entreprise.
Par son extrême simplicité et son effica Le procès dura deux ans.11 se termina par
cité, l’appareil d’Isaac Rérard obtint une la condamnation complète, absolue, des he
grande faveur dans le midi de la France. ritiers Adam, et la déclaration solennelle,
Comme il pouvait s’adapter aux alambics de la part du tribunal civil de Montpellier,
ordinaires des distilleries, les brûleurs s’em qu’Isaac Rérard n’avait été nullement le
pressaient de le substituer aux œufs d’E copiste, le contrefacteur d’Edouard Adam,
douard Adam, qui avaient le grave incon mais que son appareil reposait sur des prin
vénient d’établir une pression dans la cipes tout autres que ceux qui avaient di
chaudière, ce qui rendait la distillation dan rigé l’inventeur rouennais.
gereuse. Il est facile de comprendre, en Avant de citer le texte du jugement qui
effet, que l’appareil d’Edouard Adam n’étant lave la mémoire d’Isaac Rérard du reproche
rien autre chose que l’appareil de Woolf de contrefaçon qu’avait élevé judiciaire
construit en cuivre, sans tubes de sûreté, ment contre lui la famille Adam, nous rap
exposait à fous les dangers qui résultent de porterons les résultats des études et des ex
l’existence d’une pression à l’intérieur d’un périences faites par les savants qui furent
appareil distillatoire, inconvénient que l'on chargés d’exprimer leur opinion devant le
redoute avec raison et que l’on cherche au tribunal et d’exécuter les expériences de
jourd'hui à éviter dans toutes les opérations comparaison jugées nécessaires pour com
de l’industrie chimique. parer les deux systèmes et fixer ainsi l’opi
L’invention d’Isaac Rérard menaçait donc nion des juges.
de supplanter entièrement celle d’Edouard Nous ferons d’abord connaître un rapport
Adam. Ce dernier le comprit. Alarmé pour très-remarquable d’Étienne Rérard (homo
ses intérêts, il attaqua Rérard devant les tri nyme d’Isaac Rérard, mais qui n’avait avec
bunaux. Le juge de paix de la première di lui aucun lien de parenté). Etienne Rérard
vision de Montpellier nomma des experts, était fabricant de produits chimiques à Mont
qui furent chargés, à la requête d’Edouard pellier, associé de Chaptal dans cette fabri
Adam, le 26 septembre 1807, de rechercher que, et ancien professeur de chimie à la Fa
si l’appareil d’Isaac Rérard constituait une culté de médecine de Montpellier. Dans un
long et remarquable rapport, qui contient la
(1) L’art du distillateur, t. Il, p. 85-93. description de plusieurs expériences faites