Page 462 - Merveilles Industrie Tome 4
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                 « Ce mécanisme étant bien compris, on doit s aper­  contrefaçon de l’appareil d'Adam ; et, s’il
               cevoir qu’en tournant les robinets L et K, simulta­  n’était pas une contrefaçon, d’établir les si­
               nément ou séparément, plus ou moins, à droite ou à
               gauche, on obtient l’alcool au degré que l’on désire,   militudes ou les dissimilitudes qui devaient
               parce qu’alors on fait parcourir à la vapeur un tra­  exister entre ces deux appareils.
               jet plus ou moins long (1). «                Le procès était à peine commencé qu’Ë-
                                                          douard Adam tombe malade, et meurt, le
                  L’appareil d’Isaac Retard était donc vérita­  10 novembre 1807. Sa succession présentait
                blement le rudiment de la colonne analyseuse  un déficit de 400,000 francs. Sa veuve, ef­
                de nos alambics actuels. Elle était disposée   frayée de l’état où il avait laissé ses affaires,
                horizontalement, tandis que, dans nos appa­  répudia l’héritage; mais ses frères, Frédéric
                reils actuels, elle est verticale ; mais le prin­  et Zacharie Adam, l’acceptèrent, sous béné­
                cipe de l’invention résidait tout entier, ainsi  fice d’inventaire, et résolurent de continuer
                que son application pratique, dans le cylin­  le procès commencé, espérant sauver ainsi
                dre à diaphragmes du distillateur langue­  les intérêts, déjà bien compromis, de leur
                docien.                                   entreprise.
                  Par son extrême simplicité et son effica­  Le procès dura deux ans.11 se termina par
               cité, l’appareil d’Isaac Rérard obtint une  la condamnation complète, absolue, des he­
                grande faveur dans le midi de la France.   ritiers Adam, et la déclaration solennelle,
                Comme il pouvait s’adapter aux alambics  de la part du tribunal civil de Montpellier,
                ordinaires des distilleries, les brûleurs s’em­  qu’Isaac Rérard n’avait été nullement le
                pressaient de le substituer aux œufs d’E­  copiste, le contrefacteur d’Edouard Adam,
                douard Adam, qui avaient le grave incon­  mais que son appareil reposait sur des prin­
                vénient d’établir une pression dans la    cipes tout autres que ceux qui avaient di­
                chaudière, ce qui rendait la distillation dan­  rigé l’inventeur rouennais.
                gereuse. Il est facile de comprendre, en    Avant de citer le texte du jugement qui
                effet, que l’appareil d’Edouard Adam n’étant   lave la mémoire d’Isaac Rérard du reproche
                rien autre chose que l’appareil de Woolf   de contrefaçon qu’avait élevé judiciaire­
                construit en cuivre, sans tubes de sûreté,   ment contre lui la famille Adam, nous rap­
                exposait à fous les dangers qui résultent de   porterons les résultats des études et des ex­
                l’existence d’une pression à l’intérieur d’un   périences faites par les savants qui furent
                appareil distillatoire, inconvénient que l'on   chargés d’exprimer leur opinion devant le
                redoute avec raison et que l’on cherche au­  tribunal et d’exécuter les expériences de
                jourd'hui à éviter dans toutes les opérations   comparaison jugées nécessaires pour com­
                de l’industrie chimique.                  parer les deux systèmes et fixer ainsi l’opi­
                  L’invention d’Isaac Rérard menaçait donc   nion des juges.
                de supplanter entièrement celle d’Edouard   Nous ferons d’abord connaître un rapport
                Adam. Ce dernier le comprit. Alarmé pour  très-remarquable d’Étienne Rérard (homo­
                ses intérêts, il attaqua Rérard devant les tri­  nyme d’Isaac Rérard, mais qui n’avait avec
                bunaux. Le juge de paix de la première di­  lui aucun lien de parenté). Etienne Rérard
                vision de Montpellier nomma des experts,   était fabricant de produits chimiques à Mont­
                qui furent chargés, à la requête d’Edouard  pellier, associé de Chaptal dans cette fabri­
                Adam, le 26 septembre 1807, de rechercher  que, et ancien professeur de chimie à la Fa­
                si l’appareil d’Isaac Rérard constituait une  culté de médecine de Montpellier. Dans un
                                                          long et remarquable rapport, qui contient la
                 (1) L’art du distillateur, t. Il, p. 85-93.   description de plusieurs expériences faites
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