Page 463 - Merveilles Industrie Tome 4
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L’ALCOOL ET LA DISTILLATION. 457
a cette occasion, Étienne Bérard établit par avant le jugement, à MM. Broussonnet, Rey,
faitement les dissimilitudes, comme le de Figuier et Joyeuse, à Montpellier, établit
mandait le tribunal, qui existent entre les parfaitement la valeur de l’invention d’Isaac
appareils des deux compétiteurs, et conclut Bérard. Voici cette lettre, qui emprunte une
à la complète dissimilitude de l’appareil grande autorité au nom de Chaptal, séna
Bérard. teur, comte de l’Empire et ancien ministre
Vient ensuite un mémoire composé à la de TEmpereur :
requête du juge de paix, par Broussonnet,
professeur à la Faculté de médecine de « Je connais parfaitement, écrit Chaptal, les appa
reils distillatoires de MM. Adam et Isaac Bérard ;
Montpellier, Pierre Figuier et Rey, profes
\ j’ai lu avec une grande attention tout ce qui a été
seurs à l’École de pharmacie, et Joyeuse, écrit de part et d’autre, pour ou contre la ressem
ancien démonstrateur de chimie à l’Univer- blance de ces deux appareils; je vais émettre mon
sité de médecine, mémoire ayant pour titre : opinion sur cette lutte déplorable, avec la plus
exacte impartialité, et sans la moindre prévention.
Opinion de MM. Rey, Pierre Figuier et « 1° Appareil d’Édouard Adam. — M. Adam a ap
Joyeuse sur les appareils distillatoires d'E pliqué à la distillation des vins l’appareil de Woolf,
douard Adam et d'Isaac Bérard. Ces experts comme les Anglais l’ont appliqué, depuis quelques
années, à l’ébullition des liquides, et aux opérations
tirent fonctionner les deux appareils sous’
de teinture dans les chaudières.
leurs yeux et exécuter des distillations avec « Dans tous ces cas, c’est toujours une vapeur
l'un et l’autre alambic. Leur conclusion, chaude qui est reçue dans un liquide dont elle élève
■ la température. Mais l’effet est différent selon la
prise à l’unanimité, fut que Bérard n’avait
nature de la vapeur et celle du liquide qui la reçoit.
rien emprunté à Adam. , Dans nos laboratoires, on s’est presque borné à
Dans un autre rapport des mêmes experts, saturer un liquide d'une vapeur pour la coercer et en
conserver les qualités sous un petit volume ; dans
des conclusions semblables sont formulées.
■ la teinture, on emploie cette vapeur pour porter à
Ce nouveau rapport a pour titre : Avis donné j l’ébullition le liquide qui doit dissoudre la matière
à AI. lè juge de paix, le 26 janvier 1806,y>ar tinctoriale. Dans l’appareil d’Adam, on reçoit la
MAI. Broussonnet, Figuier, Rey et Joyeuse sur vapeur alcoolique dans du vin, de sorte que par son
moyen on porte ce dernier à l’ébullition, et par con-
cette question : Y a-t-il similitude en tout ou
I séquent on dégage plus d’alcool avec une quan
en partie entre le brevet et l appareil d’E tité donnée de chaleur, parce qu’on la met toute à
douard Adam et le brevet et l'appareil de profit.
« M. Adam condense ensuite les vapeurs alcooli
Bérard ?
ques dans une série de vases rafraîchis par l’eau, en
dernier lieu, dans des serpentins, de telle sorte qu’il
« D’après ces considérations, disent les experts, obtient divers degrés de spirituosité, et à volonté,
nous pensons que l’invention de M. Adam occupera en faisant passer la vapeur alcoolique dans un nombre
toujours un rang distingué parmi les produits du plus ou moins considérable de vases réfrigérants.
génie, puisqu’elle a donné le moyen d’exécuter en « Ce procédé de M. Adam est ingénieux et a fait
grand, et d’une manière économique, ce qui néces faire un grand pas à l’art de distiller les vins.
sitait plusieurs opérations successives; et que le « Ce procédé a plusieurs avantages.
perfectionnement et la simplicité que M. Bérard a « Le premier sans doute, c’est d’avoir su tirer un
introduits dans la distillation ordinaire, lui méritent parti si avantageux de la chaleur qu’elle est toute
le titre d'inventeur aussi utile qu’ingénieux. mise à profit, ce qui assure une économie considé
« En conséquence, nous sommes d’avis que les rable de combustible et de temps, en même temps
principes, moyens et procédés de M. Bérard ne sont qu’il donne la faculté de distiller quatre ou cinq fois
point semblables à ceux de M. Adam, comme nous plus de vin dans un seul appareil qu’on ne le faisait
pensons que l’invention de M. Adam est différente par les procédés en usage.
de celle de M. Bérard. » « Le second, c’est de fournir à volonté les divers
degrés de spirituosité connus et demandés dans le
i commerce. A la vérité ce second avantage du pro-
Une lettre adressée de Paris, par Chaptal, ; cédé d’Adam ne peut être regardé comme une dé-
le 23 septembre 1808, c’est-à-dire huit mois ] couverte, attendu que les écrivains du xvne siècle
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