Page 450 - Merveilles Industrie Tome 4
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                raître sur l’horizon, et qui l’a déjà rempli de lumière.   « Adam s’attendait à mes reproches, et il s’y était
                Il ne reconnaît d’autre maître que lui ; Woolf lui a   préparé. Il me répondit avec le sang-froid d’un
                bien fourni son appareil ; Rumfort lui a bien appris   homme qui est bien décidé à tout sacrifier à son
                que les liquides pouvaient être chauffés par le moyen   intérêt : Oui, il est vrai que vous m’avez fait connaître
                de la vapeur ; Solimani lui a bien enseigné à faire   les avantages de l’appareil de Woolf, appliqué à la
                l’application de ces principes à l’appareil de Woolf, et   distillation des vins ; mais les principes d’après les­
                à se servir de cet appareil pour la distillation des   quels j’ai opéré sont tout différents des vôtres. Les
                vins ; mais n’importe, c’est Adam qui a tout fait,   plans que vous m’avez donnés ne sont pas ceux dont je
                ■c’est lui qui a tout créé : Dixit et lux facta est.  me suis servi; j’ai tout changé, et je vous défie (car les
                  « Quel génie que celui d’Adam ! ou, pour mieux   jactances etles défis ne lui coûtent guère) d’exécuter
                dire, quel talent que celui du professeur que l’on   ce que j’ai fait avec les moyens que vous m’avez in­
                appelle aujourd’hui ignorant, inepte, et qui, néan­  diqués.
                moins, lui a fait faire des progrès si rapides en si   « J’accepte le défi et je prends l’engagement d’exé­
                peu de temps !                             cuter, avec l’appareil de Woolf seulement, les
                  « Mais Adam persistera-t-il à soutenir ce qu’il a   mêmes expériences faites à Montpellier par le sieur
                avancé? Eh oui, sans doute, Adam connaît parfaite­  Adam (1). >>
                ment sa position ; il sait qu’il est à Montpellier, loin
                de mes regards, et qu’il n’a rien à craindre de ma
                présence. Un seul mot de ma part peut le décon­  Nous ne pousserons pas plus loin les cita­
                certer ; mais ce mot, peut-être que je ne le pronon­  tions de cet éloquent écrit. Solimani ajoute
                cerai pas ou que je ne le prononcerai que lorsqu’il   qu’il répéta avec un simple appareil de
                aura fait des dupes ; car à Montpellier on ne le con­  Woolf, l’expérience faite à Montpellier en
                naît pas, on ne sait pas qui il est, on ne sait pas ce
                dont il est capable, et il peut hardiment se donner   1801 par Édouard Adam, pour la distilla­
                pour le plus grand homme du monde, pour le   tion de l’alcool des vins.
                successeur de Lavoisier, pour l’héritier de ses ta­  On ne saurait mettre en doute, après des
                lents.
                  « 11 s’adresse à M. le préfet du département de   faits aussi nettement articulés, qu’Édouard
                l’Hérault, le prie de nommer des commissaires pour  Adam ait dû l’idée de son appareil à Laurent
                assister à des expériences qui sont, dit-il, le résultat   Solimani. Ce dernier, d’ailleurs, trouvant
                d'une invention qu’il vient de faire, et, en présence
                •de ces commissaires, il atteste, sans honte et sans   que l’appareil de Woolf appliqué à la distil­
                pudeur, que cette découverte est le fruit d’un travail   lation des vins, ne donnait pas une bonne
                assidu et de plusieurs essais qui lui ont coûté de   solution du problème cherché, inventa un
                grandes dépenses. 11 garde le plus profond silence   appareil nouveau. Et c’est cet appareil que
                sur mon compte, il ne prononce pas une seule fois
                •mon nom, de peur que ce nom, plus connu que le   nous avons à faire connaître.
                sien, ne fasse naître quelque doute sur la vérité de   L’appareil distillatoire de Solimani se
                ses assertions. Il prend, en effet, en son particulier et   composait, d’abord, d’une sorte de généra­
                sans me rien communiquer, des arrangements avec
                une maison opulente de Montpellier.        teur à vapeur en forme de parallélogramme,
                  a Cette conduite étrange eut lieu de m’étonner. Je   long de 3 mètres et large de 1 mètre,
                savais que l’on doit peu compter sur la reconnais­  chauffé par un fourneau, sur lequel il re­
                sance de ceux qu’on oblige ; mais l’ingratitude d’A-
                <lam était d’une espèce toute nouvelle, et son audace   posait. Ce générateur, recouvert d’une voûte
                égalait son ingratitude. Cependant je ne m’en plai­  solide, était pourvu d’une soupape de sûreté
                gnis pas ; je me flattais que si je pouvais lui parler, je   et d’un indicateur de niveau .
                lui ferais désavouer une pareille conduite, en lui   Deux chaudières à vin, supportées par des
                représentant toute la bassesse de son procédé et en
                lui faisant comprendre combien il m’était aisé de   barres de fer, étaient plongées dans l’atmo­
                lui enlever l’honneur d’une découverte qu’il s’attri­  sphère de vapeurs fournie par le générateur.
                buait faussement.                          Les chapiteaux de ces deux chaudières se
                  « J’attendis donc patiemment son retour de Mont­
                pellier, et lorsqu’il vint chez moi pour me voir, je   (1) Réponse du sieur Solimani, médecin, ancien profes-
                lui reprochai devant plusieurs amis l’inconvenance   fesseur de chimie, membre de plusieurs académies, habi­
                de ce qu’il avait fait. Je lui dis que j’allais réclamer,   tant à Aimes, au mémoire du sieur Édouard Adam, ayant
                et que le public jugerait lequel de nous avait pu   pour titre Observations. In-4°. A Nîmes, chez la veuve
                proposer quelque chose d’utile dans la distillation.  Belle, imprimeur, pages 1-11.
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