Page 440 - Merveilles Industrie Tome 4
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                  mérite de l’invention qui nous occupe, est   Sébastien Lenormand, dans son ouvrage,
                  peu fondé. Cependant, comme un intervalle  l'Art du distillateur, fait observer que
                  de vingt-trois jours existe en faveur d’E­  l’appareil de Woolf pour la dissolution des
                  douard Adam, nous devons nous conformer,   gaz, ressemble entièrement à l’appareil de
                  dans notre récit, à cette priorité légale.  Glauber pour la distillation, appareil que
                    Né a Rouen, le 11 octobre 1768, Edouard   nous avons représenté plus haut (fig. 239,
                 Adam était négociant dans cette ville. Ayant  page 426). Ainsi Woolf aurait copié Glau­
                  fait de mauvaises affaires à Rouen, il quitta  ber, et nous allons voir comment Glauber
                  cette xille, et alla s’établir à Nîmes, en 1790,   fut, à son tour, servilement copié par
                  comme marchand de mousselines. Il ne      Edouard Adam.
                  réussit pas mieux à Nîmes qu’à Rouen.       Edouard Adam, lorsqu’il fut témoin, pour
                  Obligé d’abandonner son avoir à ses créan­  la première fois, dans le laboratoire de Soli­
                  ciers, il se retira à la campagne, aux en­  mani, du mécanisme de l’appareil de Wool I',
                 virons de Nîmes. 11 n'avait aucune espèce  conçut tout de suite, s’il faut l’en croire,
                  de connaissances scientifiques, et ce fut le  l’idée d’appliquer ce principe à la distilla­
                  hasard qui le mit en rapport avec Solimani,   tion des vins. Il se dit que si les vapeurs
                  médecin et professeur de chimie à l’Ecole  fournies par le vin chauffé par une chau­
                 centrale du Gard, à Nîmes. Ce fut Solimani  dière étaient reçues dans un vase contenant
                 qui lui donna quelque teinture de sciences,   du vin froid, ce vin, déjà enrichi d’alcool
                 et qui lui suggéra, comme il sera dit plus  par les vapeurs spiritueuses qui venaient
                 loin, l’idée d’appliquer l’appareil de Woolf  de s’y condenser, entrerait en ébullition
                 à la distillation.                         (ainsi que Rumford l’avait établi pour l’é­
                    Tout le monde connaît l’appareil de  bullition de l’eau provoquée par un courant
                  Woolf, que nous remettons sous les yeux  de vapeur d’eau), et que par cette ébullition,
                  du lecteur (fig. 243). Cet ingénieux sys­  on verrait se dégager a la fois, l’alcool du vin
                 tème sert, comme on le sait, à produire la  contenu dans ce premier flacon, et celui qui
                 dissolution des gaz dans l’eau. L’appareil  venait de s’y condenser, et qui provenait du
                 se compose d’une série de trois ou quatre  vin de la chaudière. Si l’on ajoutait trois,
                  flacons de verre C, D, E, communiquant  quatre, cinq vases semblables, on devait ar­
                  entre eux par des tubes II, II, et qui ser­  river à obtenir, au bout de cette cascade de
                 vent à faire passer un courant de gaz, venant  vases condenseurs, un esprit-de-vin presque
                  du ballon B, dans l’eau de ces flacons. Des  entièrement dépourvu d’eau, c’est-à-dire
                  tubes droits I, I, dits tubes de sûreté, qui  du trois-six, comme on l’appelait alors.
                  ne sont pas cependant indispensables, plon­  Ce raisonnement, ces déductions scienti­
                  gent verticalement dans chacun de ces vases,  fiques, exigeaient des connaissances assez
                  et empêchent Y absorption, c’est-à-dire la pé­  avancées en physique. On a quelque peine
                  nétration de l’eau dans l’un ou l’autre des  à comprendre qu’un marchand de mousse­
                  vases ou dans le ballon, B. En effet, si un  lines, qui ne savait rien, ni en chimie ni en
                  vide partiel vient à se produire dans ces  physique, ait pu concevoir en un moment
                  vases, par l’entière dissolution du gaz, l’air  le principe d’une si grande découverte in­
                  extérieur entre tout aussitôt dans ces flacons,  dustrielle. Il paraît également bien dif­
                  en triomphant de la petite résistance que  ficile que Solimani, le professeur, le sa­
                  lui oppose la colonne d’eau, et l’égalité de  vant chimiste, n’ait pas communiqué ses
                  pression est ainsi rétablie au dedans et au  idées à ce sujet à Edouard Adam. Les pro­
                  dehors de l’appareil.                     babilités en faveur de cette opinion aug­
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