Page 437 - Merveilles Industrie Tome 4
P. 437

L’ALCOOL ET LA DISTILLATION.                             431

         vapeurs, tandis qu’il n’en faut que 78 à l’al­  chaque vingt-quatre heures, que deux distil­
         cool, que l’eau, par conséquent, se condense  lations par chaudière. Quand on voulait ac­
         en très-grande partie à 78°, tandis que l’al­  croître la quantité d’eau-de-vie produite, il
         cool reste à l’état de vapeurs. Repris plus tard  fallait augmenter le nombre des chaudières
         et bien appliqué, ce principe devait conduire  et celui des foyers. Mais le plus grand in­
         à la construction d’appareils de condensa­  convénient des appareils des brûleurs du
         tion et de rectification des plus efficaces.  bas Languedoc, c’est qu’il fallait rectifier
                                                   plusieurs fois le produit, pour obtenir des
           L’alambic proposé par Demachy, obtint  eaux-de-vie d’un degré de plus en plus élevé.
         la faveur générale. Chaptal ayant eu à  Quatre ou cinq rectifications étaient néces­
         s'occuper de la distillation et se trouvant  saires pour obtenir le trois-six c’est-à-dire
         obligé de choisir entre les différents modèles  l’esprit-de-vin le plus fort alors en usage dans
         connus à cette époque, adopta les alambics  l’industrie. Par suite de ces imperfections,
         simples de Demachy et de l’abbé Moline,  les eaux-de-vie fabriquées en France lut­
         c’est-à-dire une chaudière surmontée d’un  taient avec peine contre les distilleries de l’é­
         large chapiteau et communiquant avec un   tranger ; de sorte que les usines établies par
         serpentin en spirale, noyé lui-même dans   M. de Joubert dans le bas Languedoc, ne
         un réfrigérant que parcourt un courant  tardèrent pas à décliner, et que leur nombre
         d’eau froide. C’est l’appareil qui est en­  commença, peu d’années après, à se réduire
         core en usage de nos jours dans les labora­  singulièrement.
         toires des pharmaciens et chez les parfu­   Les frères Argand, directeurs des distil­
         meurs.                                    leries de Montpellier, réalisèrent le premier
           La figure 242 (page 429), représente l’ap­  progrès qui ait marqué cette industrie. Ils
         pareil distillatoire décrit par Chaptal en  inventèrent le cliaulfe-vin, c’est-à-dire la
         1780.                                     disposition qui consiste à se servir de vin
           A cette meme époque, de grandes brûle­  au lieu d’eau, pour condenser les vapeurs
         ries, c’est-à-dire des distilleries de vin pour  provenant de la distillation du vin, ce qui
         l’extraction de l’alcool, s’établirent dans le  réalise une grande économie de combus­
         bas Languedoc. De Joubert, intendant de  tible, puisqu’on n’introduit ainsi dans la
         cette province, était à la tête de l’entre­  chaudière que du vin déjà chaud.
         prise. Plus de vingt brûleries furent établies   Nous disons que les eaux-de-vie étran­
         dans le bas Languedoc, par de Joubert,  gères faisaient alors une concurrence re­
         qui appela de Genève les frères Argand,   doutable aux eaux-de-vie françaises. C’était,
         pour diriger ces fabriques.               toutefois, l’eau-dc-vie de grains, et non celle
           L’alambic recommandé par Chaptal fut  de vin, que l'on nous opposait. L’Ecosse était
         adopté dans tous ces établissements, qui  alors le centre de la fabrication d’eaux-de-vie
         fournissaient le tiers des eaux-de-vie fabri­  de grains. Par l’emploi d’alambics à large sur­
         quées en France à cette époque.           face et de peu de profondeur, les distillateurs
           L’alambic de Chaptal en usage dans les   écossais parvinrent à faire d’abord cinq ou
         brûleries du bas Languedoc était le plus  six charges de chaudières en vingt-quatre
         simple que l’on pût désirer, mais il avait  heures. Pour lutter contre les distillateurs
         l’inconvénient de donner des eaux-de-vie à  anglais, et les droits établis en leur faveur,
         l’odeur empyreumatique, provenant des  les distillateurs écossais arrivèrent, en 1790,
         coups de feu que recevait la chaudière  à faire vingt opérations dans le même temps.
         chauffée à feu nu, et de ne pouvoir fournir,   En 1796, ils pouvaient faire trois charges
   432   433   434   435   436   437   438   439   440   441   442