Page 436 - Merveilles Industrie Tome 4
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                 tement sur le collet de la chaudière A.   vrage remarquable, et qui fixa pour long­
                 C est la continuation de ce cône en un  temps sur cette question les idées du public
                 tuyau cylindrique, qui est coudé en D, pour  et l’opinion des savants (1).
                 pouvoir entrer dans l’ouverture de la partie   En même temps, la Société d’émulation de
                 supérieure d’un serpentin ordinaire, noyé  Paris mettait au concours la question sui­
                 dans l’eau d’un réfrigérant.              vante : Quelle est la meilleure manière de
                   a, b, sont des traverses qui unissent le   construire les alambics et les fourneaux pro­
                 tuyau A avec le cône C, pour donner à l’en­  pres à la distillation des vins, pour en tirer les
                 semble la solidité nécessaire.            eaux-de-vie? Baumé, pharmacien de Paris,
                   Cet appareil n’opérait pas entièrement ce  remporta le premier prix, et l’abbé Moline
                 que l’on appelle aujourd’hui la rectification   le second.
                 immédiate ; mais il l’opérait en grande par­  Les mémoires de Baumé et de l’abbé Mo­
                 tie, avec de légères modifications. Le sys­  line, ainsi que Y Art du distillateur, de De­
                 tème recommandé par Boërhaave a parfai­   machy firent époque. Ils fixèrent les formes
                 tement opéré la rectification immédiate long­  à donner aux alambics des fabriques. Dès ce
                 temps après, c’est-à-dire, selon le témoi­  moment, on répudia les vieilles idées des
                 gnage de Brugnatelli, dans ses Leçons de  chimistes du moyen âge et du xviic siècle, sur
                 chimie publiées en 1795, entre les mains du  la nécessité d’imprégner de calorique les li­
                 chimiste italien Marazio.                 quides à distiller, pour donner de la force à
                   Poissonnier avait imaginé, vers 1770, un  l’eau-de-vie. On ne songea plus qu’à conden­
                 alambic pour la distillation de l’eau de la  ser promptement, exactement et en totalité,
                 mer, à bord des vaisseaux. Encouragé par  les vapeurs qui se dégagent du vin en ébulli­
                 l’approbation de l’Académie des sciences,  tion, comme on le faisait déjà, dans les phar­
                 il appliqua les mêmes dispositions à la  macies, pour la préparation des eaux dis­
                 construction d’un alambic pour les vins.  tillées. De là vint la suppression de la lon­
                 Poissonnier remplaçait le chapiteau de  gue colonne du chapiteau, qui donnait un
                 l’alambic par un large tuyau carré, placé  aspect si bizarre aux alambics du moyen
                 horizontalement. Ce tuyau, qu’il appelait  âge, l’élargissement de l’orifice de ce der­
                 tuyau distillatoire, était long de 20 à 26  nier vase, son rapprochement de la chau­
                 pieds, et entouré d’une enveloppe destinée  dière et l’établissement d’une rigole dans
                 à contenir de l’eau pour condenser les va­  l’intérieur du chapiteau, pour que les par­
                 peurs.                                    ties qui s’y condensaient ne retombassent
                   Poissonnier avait des idées très-justes  pas dans la chaudière.
                 sur la distillation. 11 recommandait beau­  Baumé plaça jusqu’à dix chapiteaux sur
                 coup la multiplication des surfaces comme  la même chaudière, et il en fit, construire
                 moyen de condensation.                    à double bec. Enfin, on fit, pour distiller les
                   L’appareil de Poissonnier n’avait rien de  eaux pharmaceutiques, des alambics qui
                 particulièrement digne de fixer l’attention  étaient pour le temps de vrais chefs-d’œu­
                 des distillateurs. Il fut totalement oublié à  vre. Seulement on oubliait que les vapeurs
                 l’apparition d’un ouvrage qui fit une grande  qui se dégagent du vin en ébullition, sont
                 sensation. L’Académie des sciences avait  un mélange d’eau et d’alcool, que l’eau a
                 chargé l’un de ses membres, Demachy,      besoin de 100° de chaleur pour rester en
                 d’écrire, dans la série des Traités sur les arts et
                 métiers qu’elle faisait paraître, VArt du brû­  (1) L’ouvrage de Demachy a pour titre l’Art du distil­
                                                           lateur, avec approbation de l’Académie des sciences, in-4",
                 leur d eau-de-vie. Demachy publia un ou­  avec planches. Paris, 1775.
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