Page 426 - Merveilles Industrie Tome 4
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420                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                  Abulcasis et Rhasès ont décrit l’appareil   pés dans l’eau froide, qu’ils plaçaient au-
                qui servait à la distillation des fleurs et des  dessus du chapiteau, et qu’ils changeaient
                plantes, pour en extraire des eaux aromati­  par intervalles.
                ques. Ces appareils étaient composés de deux   La cucurbite reposait sur un bain de
                pièces, à savoir : un vase inférieur dans le­  sable, sous lequel on entretenait un feu doux.
                quel on mettait la substance à distiller, et un
                chapiteau, muni d’un tuyau latéral. Par la   Jusqu’au xne siècle, la distillation de l’eau
                chaleur appliquée au vase inférieur, les  fut seule connue; la distillation de l’alcool
                parties aromatiques s’élevaient en vapeurs  n'avait pas encore été exécutée.
                dans le chapiteau ; là elles étaient conden­  Le premier auteur qui parle nettement
                sées par des linges mouillés qu’on appliquait  de la distillation des vins et de l’extraction
                à leur surface extérieure et qu’on changeait  de l’alcool, est le célèbre philosophe Ray­
                à tout instant. Les vapeurs ainsi condensées  mond Lulle, savant homme et chrétien dé­
                se rendaient dans le récipient parle tuyau  voué, né dans l’île de Majorque, en 1236,
                latéral.                                  qui partagea sa vie entre la culture des
                  C’est ce même appareil que les alchi­   sciences et la propagation de la religion ca­
                mistes appelaient        et que nous re­  tholique chez les peuples de l’Orient.
                présentons par la figure 233.               Dans son Théâtre chimique, Raymond
                  Une cucurbite, A, dans laquelle on plaçait  Lulle décrit la préparation de l’eau-de-vie.
                                                            Il recommande de prendre du vin blanc
                                                          ou rouge, limpide et de bonne odeur, et de
                                                          l’exposer pendant vingt jours à la douce
                                                          chaleur d’un bain de fumier, afin de désa­
                                                          gréger les parties de la liqueur, et de les
                                                          rendre plus aptes à se séparer. Il faut en­
                                                          suite porter le vase sur un feu très-doux, et
                                                          l’on obtient l’eaw ardente, qu’il faut recti­
                                                          fier jusqu’à ce qu’elle soit totalement privée
                                                          d’eau.

                                                            « Beaucoup d’auteurs, ajoute Raymond Lulle,
                                                          veulent qu’on rectifie jusqu’à sept fois, mais je sou
                 Fig. 233. — Le pélican des chimistes du moyen âge.  tiens que trois ou quatre rectifications, avec un feu
                                                          convenable et lent, doivent suffire pour ne point
                l’eau à distiller, était surmontée d’un cha­  perdre quelque chose de la quintessence par une
                                                          rectification exagérée. »
                piteau B, dans lequel entrait à frottement le
                col F, de la cucurbite, avec lequel on le lu-   Dans son Nouveau Testament, Raymond
                tait exactement, pour empêcher la sortie des  Lulle donne le moyen de reconnaître le
                vapeurs. Le chapiteau B portait autour de  point auquel on juge que la rectification
                son bord inférieur une gouttière dans la­  est suffisante. Un linge imbibé d’esprit, au­
                quelle se ramassaient les vapeurs conden­  quel on met le feu, doit brûler lorsque
                sées, qui, de là, coulaient, par le bec, C,  l’esprit a disparu, ce qui est la preuve qu’il
                dans le récipient, E.                     ne contient plus de phlegme.
                  Les chimistes du moyen âge, comme les     La distillation dans un bain de fumier
                Arabes, condensaient les vapeurs formées  était pratiquée pour obtenir une chaleur
                dans la cucurbite au moyen de linges trem­  douce et continue. Les anciens chimistes
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