Page 376 - Merveilles Industrie Tome 4
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                  lièrement à Tantonville, près de Nancy, et   soit la température de sa fabrication et de sa con­
                                                            servation ;
                  en Allemagne.
                                                              « 4° Je démontre que, par l’emploi des procédés
                    Dans une communication adressée le 17   actuels de la brasserie, tous les moûts, tous les
                  novembre 1873, à T Académie des sciences   levains et toutes les bières renferment les germes
                  de Paris, M. Pasteur exposait en ces termes   des maladies propres à ces substances.
                                                              « Prenons une bière quelconque dans le com­
                  les graves causes d’altération que porte en
                                                            merce, c’est-à-dire une bière qui aura été fabriquée
                  lui le procédé de fabrication des bières usité   par les procédés en usage dans les brasseries de
                  partout aujourd’hui, et les moyens généraux   France, d’Angleterre ou d’Allemagne; exposons-
                                                            la dans des bouteilles closes à une température
                  qu'il proposait comme application de ses
                                                            de 15 à 25° C. 11 arrive constamment (du moins
                  travaux antérieurs sur les fermentations,   je n’ai pas rencontré à ce fait une seule ex­
                  pour fabriquer des bières inaltérables.   ception) que cette bière, dans l’intervalle de quel­
                                                            que semaines, s’altère jusqu’à devenir impropre à
                    « Tout le monde sait, dit M. Pasteur, que la bière   l’alimentation. La conservation ne serait possible,
                  est éminemment altérable. Pendant les chaleurs de   dans quelques cas exceptionnels, que par l’addition
                  l’été, elle ne résiste pas plus d’un mois à six semaines   d’une quantité de houblon supérieure à celle que
                  aux causes de sa détérioration. Le moût qui sert à   l’usage a consacrée (1). En même temps et parallè­
                  sa préparation est d’une conservation plus difficile   lement au progrès même de l’altération, on voit
                  encore. A une température un peu élevée, le moût   apparaître et se multiplier des organismes micro­
                  de bière peut devenir, dans l’intervalle de quelques   scopiques divers.
                  heures, surtout par un temps orageux, le siège d’al­  « Comment ces organismes ont-ils pris naissance?
                  térations diverses.                         « Mes études antérieures ont établi que les 1 qui­
                    « Les altérations du moût de bière et de la bière   des organiques les plus altérables, tels que le sang,
                  ont une si grande influence.sur les procédés de fa­  l’urine, le jus de raisin, etc., se conservent indéfini­
                  brication de cette boisson, qu’on pourrait avancer,   ment, sans éprouver ni fermentation ni putréfac­
                  sans crainte d’erreur, que toutes les pratiques de   tion quelconques, lorsqu’on les expose à l’air ordi­
                  l’art du brasseur sont liées à l’existence de ces alté­  naire, mais à l’air débarrassé des poussières qu’il
                  rations et dominées par la nécessité de lutter contre   charrie sans cesse ou de celles qui sont déposées à
                  leurs désastreux effets. Une des plus dispendieuses   la surface de tous les objets de la nature. Les contra­
                  de ces pratiques propres à assurer, dans une cer­  dictions que cette proposition a soulevées de la part
                  taine mesure, la conservation du moût et de la   des hétérogénistes, soit de ceux qui veulent que la
                  bière, consiste dans l’emploi de la glace, et plus   matière brute puisse s’organiser d’elle-même, soit
                  généralement des basses températures.     de ceux qui prétendent que les organismes micro­
                    « Qu’est-ce donc que ces altérations de la bière   scopiques peuvent être engendrés par les matières
                  qui dominent à ce point la fabrication de cette   albuminoïdes de l’économie vivante, sont venues
                  grande industrie, et, si elles étaient connues dans   échouer devant l’expérience si simple dont j’ai sou­
                  leurs causes, ne pourrait-on pas espérer les com­  vent rendu témoin l’Académie, qui consiste à en­
                  battre par des moyens plus économiques et plus   fermer les liquides organiques dont il s’agit dans
                  simples que ceux auxquels s’est trouvée conduite   des vases ouverts, mais dont l’ouverture, placée à
                  une pratique intelligente ?               l’extrémité d’un tube sinueux, est assez éloignée du
                    « J’ai imaginé un procédé nouveau de refroidis­  liquide contenu dans ces vases pour que les pous­
                  sement et de fermentation qui réalise ce progrès.  sières, en suspension dans l’air, ne puissent arriver
                    « Voicici les résultats les plus essentiels de mon   jusqu’au contact du liquide.
                  travail :                                   « Cela posé, préparons une série de ces vases où
                    « 1° Toutes les altérations de la bière, soit de la   du moût de bière sera en conservation parfaite de­
                  bière achevée, soit de la bière en cours de fabrica­  puis des semaines, des mois ou des années ; puis,-
                  tion et du moût qui sert à la produire, sont corré­  par un artifice très-simple, qui repose sur l’exis­
                  latives du développement et de la multiplication   tence et l’emploi d’une deuxième tubulure soudée
                  d’organismes microscopiques, que j’appelle, pour   aux ballons dont je parle, introduisons séparément,
                  ce motif, des ferments de maladies ;      dans chacun de ceux-ci, une goutte du dépôt de
                    u 2° Les germes de ces ferments sont apportés   toutes les bières commerciales. Comme la bière la
                  par l’air, par les matières premières, par les usten­  plus limpide contient toujours quelques globules de
                  siles en usage...;
                    « 3° Toutes les fois que la bière ne renferme pas   (1) On agit ainsi pour les bières anglaises d’expor­
                  les germes vivants qui sont la cause immédiate de   tation, qui ont, en outre, une teneur en alcool plus éle­
                  ses maladies, cette bière est inaltérable, quelle que   vée que les bières du continent.
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