Page 375 - Merveilles Industrie Tome 4
P. 375
LA BIÈRE. 369
carbonique, elle est rafraîchissante. Les prin boisson alimentaire. Comme on prépare la
cipes amers et aromatiques empruntés aux bière en présence de l’air, les germes de
fleurs de houblon, la rendent légèrement ferment qui flottent toujours dans l’atmo*
tonique et excitante. Elle est nourrissante, sphère, c’est-à-dire les ferments lactique,
grâce au sucre, à la dextrine, aux matières butyrique, etc., tombent dans le liquide,
extractives, albumineuses et grasses et aux et, s’y développant plus tard, provoquent
sels minéraux, dans lesquels dominent la dans la bière de véritables maladies, analo
potasse et l’acide phosphorique. gues à celles du vin, ce qui amène la des
D’après Payen, la bière donne 48 gram truction des éléments organiques de ce li
mes d’extrait par litre, et d’après le même quide. En même temps, l’oxygène de l’air
chimiste, on peut attribuer à ces 48 grammes avec lequel le moût est constamment en
d’extrait un pouvoir nutritif égal à celui contact, détruit les parties aromatiques du
d’un poids égal de pain. houblon, et anéantit ainsi les propriétés
Relier pense, avec raison, que la grande utiles de l’agent qui sert à assurer la con
quantité d’acide phosphorique contenu dans servation de la bière et à lui communi
la bière est une des causes de son pouvoir nu quer son arôme.
tritif. Deux litres de bonne bière d’été de Ba Sans doute, pendant les décoctions aux
vière contiennent, en effet, lgr,6 d’acide phos quelles le moût est soumis, avec le malt
phorique, c’est-à-dire autantque530 grammes ou le houblon, les germes de ferment, tom
de viande fraîche de bœuf ou que 220 gram bés dans le moût, sont tués par l’effet de
mes de pain contenant 45 pour 100 d’eau. l’eau bouillante; mais il ne faut pas oublier
que dans le procédé de préparation de la
La grande quantité de substances orga bière, tel que nous l’avons décrit, le moût,
niques contenues dans la bière fait compren pour se refroidir, reste longtemps en con
dre l’extrême altérabilité de ce liquide. Si les tact avec l’air. Quand elle commence à se
bières fortes, c’est-à-dire riches en alcool et refroidir, et plus tard quand elle séjourne
en principes astringents et amers, comme le dans les cuves à fermentation, puis dans les
houblon, se conservent longtemps, surtout tonneaux de maturation, enfin dans les cuves
quand on les maintient à l’abri de l’air, il de garde, la bière reste exposée à l’action de
est certain que la bière légère, c’est-à-dire l’air, et, par conséquent, elle reçoit tous les
celle qui est d’un usage le plus général dans germes de ferment lactique, butyrique et
tous les pays, se conserve à peine trois ou autres que l’atmosphère charrie.
quatre mois dans le tonneau, et quatre à Guidé par ces considérations, M. Pasteur
cinq mois en bouteille. On a cherché pen a institué un mode nouveau de préparation
dant des siècles le moyen de prolonger la de la bière, dans lequel le moût est soigneu
durée de la bière, c’est-à-dire à pénétrer la sement tenu à l’abri de l’air, afin de le
cause de sa rapide altération et à en trover préserver des effets désastreux qui résul
les remèdes ; mais cette cause n’a été dévoilée tent de son contact direct du moût avec l’at
que de nos jours. M. Pasteur, appliquant à mosphère.
l’étude de la bière les principes qui l’avaient C’est en 1871 et 1872 que M. Pasteur fit
guidé dans ses recherches sur les maladies construire les appareils nouveaux qui ser
des vins, est arrivé à découvrir que la véri vent à préparer des bières inaltérables. Nous
table cause des altérations auxquelles la allons faire connaître ce nouveau procédé,
bière est exposée, tient à l’une des particu qui est aujourd’hui mis en pratique dans
larités du procédé qui sert à fabriquer cette quelques brasseries de la France, particu-
T. IV. 320