Page 366 - Merveilles Industrie Tome 4
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                 nante particulière, qui clarifie fort bien la   En même temps, grâce à ce long repos, tou­
                 bière. On a cependant remarqué que les  tes les matières insolubles se précipitent, et
                 bières ainsi traitées s’aigrissent plus vite, de  la bière s’éclaircit spontanément, ce qui dis­
                 sorte que l’on s’en tient généralement à la  pense de la coller.
                 colle de poisson.                           Jusqu’au milieu de notre siècle, les bras­
                   C’est au moyen des copeaux de hêtre que  seurs de Londres étaient dans l’usage de
                 la bière est clarifiée dans la brasserie Ries-  conserver dans des réservoirs d'immense ca­
                 ter, à Puteaux.                           pacité des quantités énormes de porter. Au
                   Ainsi collée et clarifiée, la bière est trans­  sortir des stillions ou ewves d’épuration, la
                 vasée dans les nouveaux quarts et expédiée  bière était amenée dans ces cuves de garde,
                 au consommateur. Quand on veut lui assu­  dont la capacité était ordinairement de
                 rer une plus longue conservation, on la met  500,000 à 800,000 litres de capacité. Mais
                 en bouteilles, que l’on bouche avec soin.  de nos jours, le porter ayant beaucoup perdu
                   La bière mise en bouteilles se conserve  de sa faveur auprès des consommateurs an­
                 beaucoup plus longtemps que dans les quarts,   glais, etl’aZe étant devenue la boisson en vo­
                 et cela se comprend. Comme ce liquide ren­  gue, ces immenses réservoirs, dans lesquels
                 ferme encore un peu de sucre et de ferment,   la bière se bonifiait par le temps, sont deve­
                 ces deux substances, réagissant l’une sur  nus assez rares. Comme Yale ne se conserve
                 l’autre, dans la bouteille, produisent du gaz  pas plus de six semaines dans les cuves de
                 acide carbonique, qui se dissout dans le li­  garde, ces énormes tonnes sont devenues
                 quide, et la pression qui finit par exister  de moins en moins utiles.
                 dans la bouteille produit une mousse abon­  Dans les brasseries allemandes, la bière
                 dante au moment où l’on fait partir le bou­  se conserve dans les caves mêmes où la fer­
                 chon. La dextrine qui existe dans la bière, lui  mentation s’est accomplie, ou dans des ga­
                 donne une viscosité qui rend la mousse ré­  leries voisines participant de la même tem­
                 sistante.                                 pérature, c’est-à-dire maintenues à 4- 2 ou
                   Tels sont les moyens dont on fait usage   + 9o
                                                              o .
                 pour conserver les bières faibles et de peu
                 de durée, comme les bières françaises et les   La bière étant collée, soit chez le fabri­
                bières légères d’Angleterre, de Belgique,   cant, soit chez le client, est en état d’être
                 d’Italie, etc. Mais quand il s’agit des bières   consommée. C’est, avons-nous dit, dans de-
                fortes, c’est-à-dire chargées de notables quan­  petits fûts connus sous le nom de quarts,
                 tités d’alcool, de sucre et de dextrine, comme   qu’on livre, la bière chez le client. Quand
                 le porter de Londres, le faro de Belgique   on a un débit constant et rapide de bière,
                 et les bières fortes de l’Allemagne, on place   comme dans les cafés, les estaminets, les
                 ces bières dans de vastes réservoirs au mi­  restaurants, il serait impossible de tirer la
                 lieu de caves fraîches ou de vastes celliers   bière en tonneau; le temps qu’il faudrait
                 dans lesquels on entretient une température   pour descendre à la cave, recevoir le liquide
                 peu élevée. Dans ces réservoirs, ou caves   dans la choppe, et l’apporter au consom­
                 de garde, les bières subissent une troi­  mateur, ne répondrait pas à la célérité
                 sième et dernière fermentation, une fer­  qu’exige le service. On se sert donc, aussi bien
                 mentation insensible, qui peut durer plus [   en France qu’en Angleterre, en Belgique et
                 d’un an. Dans ce long intervalle, le glucose   en Allemagne, d’un moyen artificiel pour
                 achève de se transformer en alcool, et la   élever la bière du ÿwarZou du tonneau qui
                 bière devient de plus en plus spiritueuse.  la contient, dans les salons du café, de l’es-
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