Page 333 - Merveilles Industrie Tome 4
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LA BIÈRE.                                   327


        au froment qui servait à fabriquer leur bière.   à contenir bière seront marqués de la marque du
        Au lieu d’une bière amère, nos ancêtres bu­  brasseur, laquelle marque sera frappée en présence
                                                   des jurés.
        vaient donc une bière sucrée. Comme les Ro­  Art. 9. — Aucun maître n’emportera des maisons
        mains, ils appelaient cette boisson ou cere-   qu’il fournit de bière que les vaisseaux qui lui ap­
        visia cervitia.                           partiendront par convention.
                                                    Art. 10. — Nul ne pourra s’associer dans le com­
          L’ordre insensé que l’empereur Domitien,
                                                  merce d’autre qu’un maître du métier.
        au 1er siècle de l’ère chrétienne, donna    Art. 11. — Ceux qui vendent en détail seront
        d’arracher les vignes dans les Gaules, con­  soumis à la visite des jurés.
                                                    Art. 12. — Aucun maître n’aura qu’un apprenti
        tribua à rendre général l’usage de la bière
                                                  à la fois, et cet apprenti ne pourra être transporté
        dans ces contrées. Aussi la bière était-elle   sans le consentement des jurés. Il y a exception à
        la boisson populaire dans le nord de la   la première partie de cet article pour la dernière
                                                  année. On peut avoir deux apprentis, dont l’un com­
        France,après le mesiècle de l’ère chrétienne.
                                                  mence sa première année et l’autre sa cinquième.
          Les Anglo-Saxons, c’est-à-dire les habi­  Art. 13. — Tout fils de maître pourra tenir ouvrier
        tants de la Grande-Bretagne, ainsi que les   en faisant chef-d’œuvre.
        Danois et la plupart des peuples du Nord,   .........La bière est sujette à des droits, et pour que
                                                  le roi n’en soit point frustré, le brasseur est obligé,
        faisaient, à la même époque, leur boisson fa­
                                                  à chaque brassin, d’avertir le commis du jour et de
        vorite de la cervoise, nom que cette boisson   l’heure qu’il met le feu sous les chaudières, sous
        conserva au moyen âge.                    peine d’amende et de confiscation. »
          Sous le roi saint Louis, en 1268, la bras­
        serie de Paris fut soumise, pour la première   On voit que ces statuts avaient surtout
        fois, à des statuts et règlements particuliers,   pour objet de veiller à l’exécution des bon­
        comme la plupart des corporations de cette  nes pratiques concernant la fabrication de
        époque. Il ne sera pas sans intérêt de rap­  la bière , et d’empêcher l’introduction de
        porter ici le texte des règlements des cervoi-  substances nuisibles dans cette fabrication.
        siers parisiens.                          Comme des abus s’étaient produits précisé­
                                                  ment dans ce sens, c’est-à-dire par la substi­
          « Art. 1. — Nul ne brassera et ne charriera ou fera   tution d’autres céréales à l’orge, les statuts de
        charrier bière les dimanches, les fêtes solennelles
        et celles de la Vierge.                   saint Louis furent remis en vigueur en 1489.
         Art. 2. — Nul ne pourra lever brasserie sans   Au xvf siècle, on appelait en France et en
        avoir fait cinq ans d’apprentissage et trois ans de   Allemagne, bière de couvent, la bière faible,
        compagnonnage, avec chef-d’œuvre.
         Art. 3. — Il n’entrera dans la bière que bons   et bière des pères, la bière forte. La pre­
        grains et houblons biens tenus, bien nettoyés, sans   mière était légère et destinée aux couvents
        y mêler sarrasin, ivraie, etc. Pour cet effet, les hou­  de femmes, la deuxième très-forte et brassée
        blons seront visités par les jurés, afin qu’ils ne
        soient employés, échauffés, moisis, gâtés, mouil­  pour les moines.
        lés, etc.                                   A cette époque, le chimiste allemand Ba­
         Art. 4. — Il ne sera colporté par la ville aucune   sile Valentin, décrivit, dans un de ses ouvra­
        levûre, mais elle sera toute vendue dans la brasserie   ges, la fabrication de la bière.
        aux boulangers et pâtissiers, et non à d’autres.
         Art. 5. — Les levûres de bière apportées par les   D’autres statuts, concernant la brasserie,
        forains seront visitées par les jurés avant que d’être   mais qui n’étaient qu’un remaniement des
        exposées en vente.                        anciens, furent publiés sous Louis XII, en
         Art. 6. — Aucun brasseur ne pourra tenir dans la
        brasserie bœufs, vaches, porcs, oiseaux, canes, vo­  1515, et d’autres encore en 1640, sur lettres
        lailles, comme contraires à la netteté.   patentes données par Louis XIII.
         Art. 7. — Il ne sera fait dans une brasserie qu’un   En 1686, Louis XIV confirma ces mêmes
        brassin par jour, de quinze setters de farine au
                                                  statuts, en ajoutant dix articles nouveaux.
        plus.
         Art. 8. — Les caques, barils et autres vaisseaux   Il y avait à Paris, sous Louis XIV, 78 mai-
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