Page 320 - Merveilles Industrie Tome 4
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               pulpe, on les met dans des cuviers, où on  s’élèvent deux poutres jumelles, D,D, et
               les abandonne pendant douze à vingt-quatre  à leur gros bout deux autres jumelles sem­
               heures, en ayant soin de remuer cette pulpe  blables. Le mouton s’élève et s’abaisse entre
               plusieurs fois par jour, pour en empêcher la  les quatre jumelles, et toujours à plomb
               fermentation. La pulpe devient alors rou­  sur la brebis. On a une traverse que l’on
               geâtre, ce qui cosimunique au cidre la cou­  met à la main sous le mouton dans les
               leur ambrée que l’on recherche.            deux jumelles du côté de la vis ; à l’aide
                 11 faut alors presser la pulpe des pommes  de cette traverse on fait hausser et baisser
               pour en extraire le jus. A cet effet, un homme  en bascule le gros bout du mouton. Pour
               la prend avec une pelle et la dépose sur le  les jumelles de derrière on a des morceaux
               tablier du pressoir, de manière à former une  de bois qu’on appelle clefs; ces clefs ser­
               couchedeO"1,10 àOm,15 d’épaisseur. Surcette  vent soit à supporter, soit à faire presser le
               couche de pulpe, on étend un mince lit de  mouton.
               paille de seigle, ou bien un tissu de crin.   La vis de bois qui sépare la brebis du
               Surcette paille de seigle ou sur ce crin, on  mouton doit, en s’abaissant, rapprocher les
               étend une seconde couche de pulpe, que  deux poutres et opérer la pression.
               l’on recouvre comme la première, et ainsi de   On établit entre les quatre jumelles sur la
               suite. On forme ainsi un cube sur lequel  brebis un fort plancher de bois, qu’on ap­
               on pose des madriers ou des billots.       pelle le châssis d’émoi. Ce plancher a un re­
                 On attend quelques heures avant d’opérer,  bord de quatre pièces de bois, qu’on nomme
               et l’on obtient par le simple égouttage le  roseaux d'émoi et qui reçoit le jus de la
               cidre dit de mère-goutte. On s'occupe ensuite  pomme. Le liquide ne peut s’écouler que par
               d’exercer la pression.                     un petit canal, qu’on appelle le beron, d’où
                  Le pressoir primitif de l’ancienne Nor­  il tombe dans une petite cuve.
               mandie est un appareil encombrant et qui     On a élevé perpendiculairement sur le
               presse mal, car un hectolitre de pommes ne  tablier du pressoir le marc des pommes, par
               fournit en moyenne, parce mode de pressu­  lits de 15 centimètres d’épaisseur, séparés,
               rage, que 35 litres de jus au lieu de 75 à 80  comme nous l’avons dit, par des couches
               que l’on pourrait obtenir avec une presse hy­  de paille de seigle ou par des toiles de crin
               draulique. Cependant, comme il est encore  jusqu’à la hauteur de lm,50 environ. Le
               très-répandu en Normandie, nous devons en   marc ainsi disposé a la forme d’une pyra­
               donner la description.                     mide tronquée.
                 Ce pressoir est représenté dans la fi­     Au bas de la vis du pressoir est une roue
               gure 195 (page 313), avec le tour à piler les  de bois, R, placée horizontalement et qui
               pommes.                                    embrasse la vis. Des chevilles sont plantées
                 Il se compose d’un gros sommier de bois,   sur la jante de cette roue. Des hommes
               C, appelé la brebis, et qui n’a pas moins de  prennent ces chevilles à la main, et en les
               8 à 9 mètres de longueur, posé horizonta­  poussant font tourner la vis. Le mouton des­
               lement à peu de distance du sol, et d’un ar­  cend et presse le marc d’autant plus forte­
               bre, M, appelé le mouton, et élevé parallè­  ment que la poussée des hommes est plus
               lement sur la brebis. Le mouton est soutenu,   énergique.
               au bout le moins gros, par une forte vis     Quand le jus cesse de couler, on desserre
               debois, dont l’autre extrémité se rend pareil­  la vis, on taille la motte carrément, avec
               lement au bout le moins gros de la brebis.   le couteau à pressoir, qui est un grand fer
                Au milieu de la longueur de ces deux arbres  recourbé et emmanché de bois; on charge
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