Page 316 - Merveilles Industrie Tome 4
P. 316

310                   MERVEILLES UE L’INDUSTRIE.

              branches, car on détruirait les bourgeons  rité moyenne et les tardifs, enfin les fruits
              de l’année suivante ; par cette taille fac­  en partie atteints de pourriture.
              tice on forcerait l’arbre à pousser en bois,   Partout, cependant, on ne place pas les
              et l’on se priverait d’une abondante ré­   pommes dans des cases, sous des hangars.
              colte de fruits. Quand on a l’attention de   Dans quelques parties de la Normandie on
              ne pas frapper trop fort les branches avec  conserve la vieille coutume de former des tas
              les gaules, on a, en outre, l’avantage de ne  de fruits sur le terrain même du clos à pom­
              pas meurtrir les fruits ; car cette meurtris­  miers. Dans d’autres pays, on les enlève et
              sure, rompant les cellules des tissus et  on les porte dans la cour de la ferme, sur
              réunissant le jus sur un seul point , y  une toile. Si le temps se met à la gelée, on
              provoque une fermentation putride, qui ne  abrite le tas de pommes avec de la paille,
              tarde pas à entraîner la pourriture entière  et l’on couvre la paille d’une toile mouillée.
              du fruit.                                    Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de met­
                On pourrait étendre sous les arbres des   tre les pommes sous des hangars ouverts
              toiles ou des nattes, mais la main-d’œuvre   quand la gelée n’est pas arrivée. L’emmaga­
              en serait compliquée et renchérie, ce qu’il  sinage des pommes dans un grenier leur
              faut éviter, puisqu’il s’agit souvent de dé­  fait contracter un goût de renfermé et de
              pouiller, dans la même propriété, un mil­  moisi ; le cidre qui en provient fermente
              lier d’arbres qui, quoique proches les uns   mal et se clarifie très-difficilement.
              des autres, ne sont pas tous également char­  La mise en tas dans un lieu sec et aéré,
              gés de pommes.                            comme un hangar librement ouvert, achève
                Le gaulage a l’inconvénient de faire tom­  de mûrir les pommes. On les abandonne
              ber les fruits imparfaitement mûrs et d’abré­  ainsi, pendant un temps plus ou moins long,
              ger la durée de la vie des arbres, car avec  selon la nature des pommes et l’état de l’at­
              quelque attention que l’on procède, les  mosphère. La durée moyenne est de trois
              bourgeons sont altérés ou détruits par des  semaines à un mois. Dans cet intervalle, il
              coups maladroits. Il vaudrait mieux se­   faut nécessairement surveiller les tas de
              couer les branches à fruit de quinzaine en  pommes, soulever la paille qui les recouvre,
              quinzaine ou de huitaine en huitaine ; on   s’assurer qu’elles ne s’échauffent pas trop,
              n’abattrait ainsi que les fruits mûrs.    qu’elles ne mûrissent pas trop vite et qu’elles
                Les pommes tombées à terre sont ramas­  ne sont pas exposées à pourrir.
              sées par des hommes, qui les placent suivant   Quand on n’r ;t pas en mesure de piler
              leur espèce et les jettent dans des paniers,   et de presser les pommes, on ralentit leur
              puis dans des sacs, que l’on charge sur des   fermentation en changeant les tas de place,
              chevaux, des ânes ou des charrettes, et que   c’est-à-dire en les aérant.
              l’on transporte à la ferme. Là, ils sont pla­  La récolte des pommes et des poires qui
              cés sous des hangars, dans des cases en bois  s’est opérée en secouant 1 arbre ou les bran­
              ouvertes par le haut. Dans chacune de ces  ches, pour en détacher les fruits mûrs et en
              cases (dont on peut augmenter ou diminuer  gaulant ceux qui résistent aux secousses, a
              à volonté les dimensions ou le nombre), on   donné un grand nombre de pommes meur­
              classe à part les pommes et poires tombées  tries ou blessées, et l’altération des fruits se
              et journellement recueillies. Une fois la  propage rapidement dans le tas. Beaucoup
              récolte terminée, on met dans chacune des  de pommes pourrissent. Il faut s’empresser
              cases les pommes aigres, les douces, les  de les jeter, malgré le singulier préjugé
              amères, les fruits précoces, ceux de matu­  normand qui prétend que les pommes pour­
   311   312   313   314   315   316   317   318   319   320   321