Page 309 - Merveilles Industrie Tome 4
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LE VIN.                                    303


        causes que les funestes qualités du vin acheté  tage de tous, producteurs nationaux et con­
        dans le bas commerce de ce liquide.       sommateurs étrangers, l’usage de cette ad­
          Disons, pour terminer, qu’il y a, non une  mirable boisson. 11 aurait fallu bien peu
        excuse, mais un motif, à ces déplorables  d’efforts pour détrôner l’insipide bière des
        fraudes. La France est le pays producteur  peuples du Nord et les liquides purement
        du vin par excellence. La végétation de la  spiritueux, les eaux-de-vie meurtrières qui,
       vigne et la maturité du raisin exigent des  sous tant de noms différents, et chez tant
        conditions toutes spéciales de terroir, de   de nations, ruinent la santé publique.
        température, d’humidité, conditions qui sont   Cette grande et philanthropique pensée
        très-difficiles à rassembler et qui, par une  n’est pas entrée un seul instant dans l’esprit
       fortune rare, se trouvent merveilleusement  des hommes d’Etat ni des administrateurs
       réunies sous notre ciel. Sans doute la vigne  français. Au contraire, tous les gouverne­
       prospère, en beaucoup de pays, mais elle  ments qui, depuis un siècle, se sont suc­
       ne peut y être cultivée que pour ses fruits à  cédé en France, semblent avoir pris pour
       l’usage de la table. Rien n’est plus rare,   tâche de mettre entraves sur entraves à la
       au contraire, qu’un climat propre à la con­  production et au commerce des vins. Cette
       servation du raisin sur la souche jusqu’à  industrie agricole n’a cessé de plier sous le
       l’époque de la vendange. C’est, en effet, une  poids des plus écrasants impôts. On permet
       erreur de croire qu’un climat très-chaud  aux nations étrangères de fermer l’entrée
       soit nécessaire à la vigne. Demandez aux  à nos vins par d’impitoyables traités de
       colons de l’Algérie, de l’Egypte ou de l’Inde,   commerce, et d’un autre côté on s’applique
       demandez aux habitants de l’Amérique du  à interdire, par les octrois, ces véritables
       Sud, si les climats brûlants lui conviennent.   douanes intérieures, l’entrée des vins dans
       D’un autre côté, un climat froid arrête com­  les villes et les grands centres de popu­
       plètement la végétation de cet arbuste. Un  lation de notre propre pays. Les traités
       air trop chaud ou trop sec lui est égale­  de commerce avec l’Angleterre, conclus
       ment contraire, bien entendu, quand il s’a­  sous Napoléon III, au moment même où
       git d’amener le raisin à la maturité conve­  le libre-échange était proclamé, frappent
       nable pour la fabrication du vin. Or, il se  les vins français d’un droit d’entrée de 53
       trouve que le climat du bas Languedoc, et  à 68 francs par hectolitre, selon leur teneur
       du centre de la France, ceux de la Bour­   en alcool. Et pendant qu’on établissait ce
       gogne et du Bordelais, sont éminemment pro­  droit excessif, qui équivaut à une prohibi­
       pres à la végétation complète de la vigne,  tion, on permettait à tous les vins étran­
       qui trouve chez nous, on peut le dire, sa  gers d’entrer en France, en payant seule­
       patrie naturelle.                          ment 30 francs par hectolitre. Nos vins
         Il semblerait donc que, s’applaudissant  sont donc frappés d’une véritable prohibi­
       de ce bienfait précieux, nos législateurs se  tion par l’Angleterre, tandis que les vins
       soient, de tout temps, appliqués à dévelop­  étrangers n’ont qu’un faible droit d’impor­
       per, dans notre pays, la culture de la vigne,  tation chez nous.
       à accroître sans cesse les débouchés de ses   Et ce n’est pas seulement en faveur de
       produits. Il aurait fallu bien peu de génie, à  l’Angleterre que l’on a laissé s’établir cette
        des chefs d’État, à des assemblées, à des mi­  inique fiscalité. Pour entrer en Belgique,
        nistres, pour arriver à inonder le monde des  nos vins payent 28 francs par hectolitre ; en
        vins de France, et à répandre ainsi chez  Hollande, 42 francs; en Suède et en Nor
        toutes les nations du globe, et à l’avan- j  wége, 23 francs; en Portugal, 31 francs; en
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