Page 308 - Merveilles Industrie Tome 4
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             moniaque, et l’on obtient une coloration     Faut-il ranger, parmi les falsifications, le
             verdâtre. On immerge dans le liquide un  coupage des vins? Non, s’il s’agit du mé­
             de ces fils de laine blanche qui servent à  lange de vins naturels, car le commerce
             faire la tapisserie. On place ensuite ce fil   des vins repose tout entier aujourd’hui sur
             verticalement, et l’on fait couler une goutte  cette pratique. Les coupages entre vins
             d’acide acétique sur toute sa longueur. Lors­  naturels, c’est-à-dire consistant à ajouter
             que le vin est naturel, la laine reprend une   à des vins fins des vins de moindre valeur,
             belle teinte blanche sous l’influence de   se fait sur une si vaste échelle, que la
             l’acide. Si le vin est altéré par la fuchsine,   majeure partie des vins du Midi n’est
             la laine prend une teinte rose. La couleur  achetée par les commerçants que pour être
             est d’autant plus intense, que la quantité   alliée, dans la proportion d’un cinquième,
             de fuchsine contenue dans le vin est plus  d’un quart ou d’un tiers, à ceux de la Bour­
             considérable.                              gogne ou du Bordelais. La plupart des vins
                Si la fuchsine employée à colorer artifi­  que nous buvons, sous les noms de Bour­
             ciellement les vins était chimiquement pure,   gogne et de Bordeaux, ne sont autre chose
             elle n’offrirait pas grand inconvénient par  que des unions, des mariages, des vins du
             son mélange avec le vin, car elle n’est pas  Midi avec les crus naturels de la Bourgogne
             toxique par elle-même. Mais elle renferme   ou duMédoc, mariages trop souvent accom­
             ordinairement une partie du sel arsenical   pagnés du baptême de l’eau ! Ces opérations
             qui a servi à la préparer, et c’est l’arsenic  sont licites, car, nous le répétons, elles
             qui occasionne les accidents qui ont été si­  constituent le commerce actuel des vins, et
             gnalés comme provenant de la fuchsine      comme chacun est averti, personne n’est
             ajoutée au vin. M. Husson a donc cherché   trompé et personne ne réclame.
             un moyen qui permît de doser promptement     Il serait heureux que l’art du coupage
             et avec certitude l’arsenic mêlé à la fusch-  des vins s’en tînt à ces pratiques admises
             sine.                                      et consacrées par l’usage. Malheureusement,
                M. Husson a fait usage de deux méthodes   il ne se renferme pas dans ces honnêtes li­
             qui permettent d’effectuer le dosage de l’arse­  mites. Entre les mains de marchands de vin
              nic d’une manière rigoureuse et d’une ma­  avides et de fraudeurs éhontés, la fabrica­
              nière approximative seulement. La première  tion du vin de toutes pièces est devenue
             consiste à transformer l’arsenic en gaz hy­  une véritable industrie, industrie meurtrière
             drogène arsénié ; la seconde à faire usage  pour la santé publique, car elle s’exerce sur
             d’une liqueur titrée composée d’iode dissous  la substance la plus utile, la plus essen­
             dans la benzine. Ces opérations sont trop  tielle pour l’entretien et la restauration des
             techniques pour être décrites ici. Il suffit de   forces de l’homme. Par de coupables ma­
             savoir que le dosage de l’arsenic mêlé acci­  nœuvres, les vins sont colorés, parfumés,
             dentellement à la fuchsine, qui sert à colorer  vinés, dédoublés, de manière à composer
              frauduleusement les vins, est facile et précis  un breuvage qui, souvent, n’a du vin que
             avec les procédés mis en œuvre par M. Hus­  le nom, car il a pour principe spiritueux
              son.                                      l’alcool de pommes de terre ; pour principe
                Grâce à ces moyens chimiques, on peut  colorant, le bois de Campêche ; pour prin­
              espérer que la dangereuse fraude, qui con­  cipe sucré, le sirop de glucose, et l’eau
             siste à colorer artificiellement les vins par  comme base fondamentale. Mais si l’œil
              la fuchsine, pourra être facilement recon­  est trompé, l’estomac ne l’est point, et de
              nue et réprimée.                          graves maladies n’ont souvent d’autres
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