Page 264 - Merveilles Industrie Tome 4
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                propriétaires laissent leur vendange j usqu’au  de graves meurtrissures au membre de
                mois de mars dans des foudres fermés. C’est  l’homme qui supporte cet énorme assaut.
                du moins ce que j’ai vu dans ma jeunesse, a   Les vins conservés dans les foudres ne
                Perpignan.                                sont pas soumis dans le Midi, comme dans
                  Après ce temps de cuvage, fort variable  la Bourgogne et le Médoc, à des soutirages
                comme on le voit, on extrait le vin de la  répétés. Ils sont vendus au commerce trois ou
                cuve ou du foudre, et on l’amène, au moyen  quatre mois après la récolte. Les soutirages
                de tubes de fer-blanc, de cuir ou de caout­  et collagessontl’affaire du marchand de vin,
                chouc, dans les foudres où il doit rester em­  qui les pratique selon l’emploi qu’il veut
                magasiné.                                  faire de ces vins.
                  Le marc, retiré de la cuve ou du foudre,   Si, vers la fin de l’année, les vins n’ont
                est pressé dans des pressoirs à vis de fer,  pas été vendus, le propriétaire juge pru­
                qui diffèrent de ceux de la Bourgogne et  dent de les soutirer ; mais il est rare qu’il
                du Médoc. Nous représentons (fig. 168,     ait recours au collage, lequel s’effectue,
                page 260) le pressoir le plus en usage au­  avec [du sang de bœuf, employé à raison
                jourd’hui dans l’Hérault.                  d’un litre par muid (7 hectolitres) de vin.
                  La légende qui accompagne cette figure
                explique le jeu de ce pressoir, qui est com­  Les vins blancs sont fabriqués tout autre­
                posé d'une vis de fer A, munie d’un encli­  ment que les vins rouges ; mais il importe
                quetage, B. Cet encliquetage se compose  de distinguer les vins blancs secs des vins
                lui-même d’un crochet de fer qui, tombant  de liqueur, ou muscats.
                dans une encoche, arrête tout mouvement,     Parlons d’abord des vins blancs secs, par­
                et empêche la vis de remonter, malgré l’é­  ticulièrement de la blanquette de Limoux,
                lasticité de la matière soumise à la compres­  petit vin aigrelet et mousseux, qui jouit
                sion.                                      d’une certaine réputation dans le Midi.
                  C’est là le pressoir perfectionné, le pres­  On fabrique ce vin de la manière sui­
                soir à l’action puissante déterminée par une  vante. On porte les raisins blancs au cellier,
                vis de fer. Il existe dans les petites pro­  on les trie, on enlève les grains altérés, on
                priétés un pressoir plus économique et plus  égrappe, on fouleavecles pieds, on filtre Je
                simple, mais aussi beaucoup moins puis­    moût dans une manche, on en remplit des
                sant. Nous en donnons le dessin, parce qu’il   tonneaux, on ouille marc tous les jours et
                est encore en usage dans beaucoup de vil­  tout le temps que dure la fermentation tu­
                lages de l’Hérault. La figure 169 (page 261),   multueuse. On filtre encore deux ou trois
                représente ce pressoir, qui se compose de   fois pendant la première quinzaine et une
                l’assemblage de deux vis, non de fer, mais  dernière fois lorsque la fermentation s’ar­
                simplement de bois; l’œuvre du charron     rête, puis on transvase le vin dans des bar­
                remplace celle du forgeron.                riques neuves.
                   Les deux vis sont mises en action par des   Mise en bouteilles dès le mois de mars, la
                leviers horizontaux que des hommes pous­   blanquette de Limoux mousse naturelle­
                sent à la force des bras.                  ment. On n’hésite pas, d’ailleurs, à ajouter
                   Quelquefois les hommes opèrent par la  du sucre en cristaux au vin en bouteille,
                force des cuisses, c’est-à-dire qu’ils se pré­  comme on le fait pour le vin de Champagne.
                cipitent contre les barres et les frappent   Dans le département de l’Hérault, on
                de leur cuisse, qui produit ainsi l’effort du  fabrique les vins blancs en jetant le raisin,
                corps tout entier, mais non sans occasionner  blanc ou rouge, sur le plancher des cuves et
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