Page 252 - Merveilles Industrie Tome 4
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                vent servir de modèle aux viticulteurs de   fer qui sont en usage dans le midi de la
                tous les pays, et qui expliquent les hautes   France.
                qualités de ces vins, si justement renommés.  Le moût provenant de cet écrasage du
                  L’égrappage est une opération indispen­  raisin, passe à travers les interstices du
                sable à la fabrication des crus supérieurs  plancher, et tombe dans la cuve. Si la cuve,
                de Bordeaux. Les raisins ayant été apportés  est située à un niveau supérieur, une
                au cuvier par des charrettes, sont aussitôt  pompe y élève le moût.
                égrappés, soit en les jetant, comme en      Les cuves qui servent, dans le Bordelais,
                Bourgogne, sur des claies à travers les­  à la fermentation du vin, ressemblent à celles
                quelles passe le fruit et non la grappe, soit  de la Bourgogne. Leur forme est celle d’un
                en agitant la masse avec une fourche en bois  tronc de cône, reposant sur sa plus grande
                à trois dents, qui sépare la grappe en lais­  base. Les douves sont de chêne et cerclées de
                sant les fruits écrasés.                  fer. Leur capacité est assez variable; elle est
                  Nous représentons dans la figure 164  ordinairement de 150 hectolitres. Une cuve
                (page 248), Tégrappagedu raisin au moyen  contenant 136 hectolitres, a 2 mètres environ
                de la fourche à trois dents.              de côté, 3 mètres à la base supérieure
                  Les raisins étant égrappés, on les rassem­  et 3m,20 à la base inférieure.
                ble sur un plancher de bois, dont les liteaux   Dans les petites exploitations on se sert de
                laissent quelques intervalles pour laisser  cuves plus petites, pour ne pas les laissera
                écouler le liquide. La vendange égrappée est  demi pleines au cas où la récolte serait in­
                apportée sur ce plancher, dans des compor­  terrompue par le mauvais temps.
               tes, qu’on appelle dans le pays aubardes. Un   Les cuves en maçonnerie, qui sont usitées
               anneau de bois, à travers lequel on passe un  dans le midi de la France, ne sont jamais
               bâton, permet à deux hommes de porter sur  employées dans le Bordelais, pas plus qu’en
                leurs épaules ces comportes pleines, et de  Bourgogne. Une cuve en maçonnerie est
                les faire basculer, quand on est arrivé à  sans doute plus économique qu’une cuve de
               la cuve. Une échelle assez large pour que  chêne, mais la pierre absorbe toujours un
               des hommes puissent y monter de front, est  peu de vin, et par sa conductibilité pour le
               posée contre la cuve.                      calorique, elle ralentit la fermentation; or,
                  Deux hommes égrappent et portent à la  ce ralentissement porterait un grand dom­
               cuve la vendange coupée par treize coupeurs.  mage à la vinification.
                 Le foulage du raisin ne s’exécute pas dans   Les cuves vinaires du Bordelais étaient
               le Bordelais entre des rouleaux. Il est pra­  autrefois ouvertes, comme celles de la Bour­
               tiqué, comme en Bourgogne,par des hommes  gogne. Aujourd’hui, on les ferme après leur
               qui, les pieds nus, écrasent le fruit. Faisons  chargement. On se flatte, par la clôture des
               remarquer que les hommes chaussés de sa­  cuves, d’éviter la perte des gaz odorants qui
               bots fouleraient moins bien le raisin que  communiquent leur bouquet au vin; mais
               quand ils ont les pieds nus, parce que la  cette opinion est fort hypothétique. On ne
               pression du sabot écraserait les pépins, qui  peut jamais clore complètement une cuve,
               contiennent une huile de mauvaise qualité,  sous peine de la voir brisée par la force du
               capable d’altérer l’arome du liquide. Le  dégagement des gaz ; la clôture est donc né­
               pied réduit en pulpe la partie charnue du  cessairement partielle, et puisqu’il faut que
               fruit, sans écraser le pépin. C’est pour cela  le gaz carbonique se dégage, il emporte né­
               qu’il est préférable, pour écraser la ven­  cessairement, en se dégageant, les principes
               dange, au sabot, et même aux rouleaux de  odorants et volatils que l’on voudrait retenir.
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