Page 242 - Merveilles Industrie Tome 4
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236                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                    Le dépôt continuel de tartre qui se fait dans   Nous disons que les éthers contenus dans
                  les tonneaux et les cuves oblige à opérer le  le vin (éthers acétique, succinique, étylacé-
                  détartrage, chaque deux ou trois ans, c’est-  tique, œnanthique, etc.) sont la cause du
                  à-dire à détacher, à coups de ciseaux d’acier,   bouquet des vins. Cependant, comme chaque
                  le tartre qui adhère aux tonneaux. Le tartre  vin a son bouquet spécial, il faut admettre
                  brut ainsi détaché, se vend aux fabricants de   qu’un autre composé contribue à l’arome.
                  crème de tartre, qui, pour obtenir la crème   Ce nouveau composé est probablement une
                  de tartre en magnifiques cristaux, n’ont qu’à  huile essentielle ou un aldéhyde, prove­
                  jeter le tartre brut dans l’eau bouillante, en   nant de chaque espèce de raisin, etqui donne
                  le mélangeant avec un peu d’argile. L’alu­  son bouquet spécial au vin provenant de ce
                  mine de l’argile précipite la matière colo­  cépage. M. Berthelot, ayant mélangé à du
                  rante du vin qui imprégnait les cristaux, et  vin de Bourgogne de l’éther sulfurique, et
                  ceux-ci se dissolvent dans l’eau bouillante.   ayant agité ce mélange dans un vase dont
                  On passe le liquide bouillant à travers une  l’air avait été remplacé par du gaz acide
                  toile serrée, et le liquide clair laisse déposer,   carbonique, enleva, par l'action dissolvante
                  par le repos, de beaux cristaux de crème de  de l’éther sulfurique, le bouquet de ce vin.
                  tartre.                                   Ayant examiné les produits soustraits au vin
                    La transformation en éther qu’éprouvent  par ce dissolvant, M. Berthelot les trouva
                  les acides libres du vin est quelquefois si  formés de divers éthers, d’une huile essen­
                  complète, que, selon MM. Berthelot et de  tielle et d’un principe neutre qui paraissait
                  Fleurieu, dans un vin vieux qui contient  être un aldéhyde. C’est ce produit parti­
                  10 pour 100 d’alcool, la quantité des acides  culier que M. Berthelot considère comme
                  est environ le septième de la quantité totale  V essence du bouquet du vin.
                  des acides.                                 Telle est donc la véritable nature de l’a-
                    Ainsi, en présence d’une même quantité  rome, ow bouquet, que l’âge développe dans
                  d’alcool, plus un vin renfermera d’acide,   les vins supérieurs et que l’on n’a jamais
                  plus il prendra du bouquet en vieillissant,   réussi à imiter. Le bouquet des vins ne res­
                  les éthers constituant, comme on le sait, ce  semble à rien qu’à lui-même ; il défie tou­
                  que l’on nomme le bouquet des vins. C’est  tes les ressources de l’art et toute l’imagina­
                  pour cela que les vins des pays tempérés   tion des plus habiles contrefacteurs. On
                  dans lesquels le raisin ne mûrit jamais com­  imite l’or et le diamant, on n’imite pas le
                  plètement, et donne un moût toujours acide,   bouquet d’un vin.
                  fournissent les vins les plus estimés. L’usage   La glycérine est une substance qui n’a
                  existe aujourd’hui, dans le midi de la France,   été découverte dans les vins que de nos jours,
                  de cueillir le raisin un peu avant sa matu­  par M. Pasteur. On ne saurait mettre en
                  rité. Les vins ainsi obtenus sont moins alcoo­  doute la présence de la glycérine dans le
                  liques, mais beaucoup plus parfumés. Il est,   vin, puisqu’elle est, avec l’alcool, l’acide
                  du reste, d’observation que, si l’on s’avise  carbonique et l’acide succinique, le produit
                  de saturer par la craie ou le carbonate de  de la fermentation du sucre. Les vins fran­
                  soude, un moût qui paraît trop aigre, trop  çais ne contienent pas moins de 5 à 6 pour
                  vert, on obtient un vin plat, c’est-à-dire en­  100 de glycérine, quelquefois même 7,5,
                  tièrement dépourvu de bouquet. On dirait  pour 100, et comme aucun vin naturel éva­
                  qu’il faut au vin une légère acidité, pour  poré ne donne plus de 20 grammes d’ex­
                  exciter les papilles de la langue et leur faire  trait sec, le tiers du poids de cet extrait peut
                  goûter l’arome de cette boisson.          consister en glycérine. Cette matière, qui
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