Page 230 - Merveilles Industrie Tome 4
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224                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                  dans les cantons où elle n’avait pas encore  gré l’abondance et la fertilité où régnaient
                  pénétré.                                  naguère le silence et le désert. L’activité
                    Cependant, cette culture était loin d’être  des moines bourguignons ne s’exerçait pas
                  générale. Du temps de l’empereur Julien,  | seulement autour de leurs demeures ou de
                  la bière était la boisson la plus ordinaire  leurs fiefs ; ils utilisaient les biens des po­
                  en France, et jusqu’au vic siècle, l’usage  pulations qui, de toutes parts, venaient cher-
                  du vin ne se répandit que peu à peu. La  j cher autour de leurs monastères un refuge
                  misère générale, résultant des guerres fré­ j contre la violence et l’oppression.
                 quentes qui désolaient le royaume, mettait   Vers 587, Contran, roi de Bourgogne,
                 obstacle aux progrès de l'agriculture, comme   donne à l’abbaye de Saint-Bénigne tout le
                 à ceux de tous les arts utiles. Aussi ne trouve-  vaste territoire compris entre Dijon, Lan-
                 t-on quelques traces de l’existence des vi­  tenay, Barbirey, Marigny, Flavignerot et
                 gnobles, en ces temps malheureux, que dans  Larrey, «cec les vignes qui en font partie.
                 les anciennes lois de police de l’époque, et   Quarante ans après, Clotaire II défend aux
                 dans les règlements de Charlemagne.        habitants de ce dernier village de troubler
                   On cite un de ces règlements qui défend  la possession des religieux, en défrichant les
                 de contraindre quelqu’un à boire plus qu’il ne  chaumes et en plantant des vignes.
                 veut. Un autre condamne à avaler une cer­    Au commencement du vu0 siècle, Amal-
                 taine quantité d’eau les soldats convaincus  gaire, duc de la basse Bourgogne, fonde
                 d’avoir invité à boire leurs camarades ou  l’abbaye de Bèze et comprend dans sa dota-
                 quelque personne que ce fût quand l’armée  : tion des vignes situées sur Chenôve, Mar-
                 serait en campagne. Le soixante-douzième  I sannay, Conchey, Gevrey, Vosne et aux en­
                 capitulaire prononce la même peine, en  virons de Beaune ; il y joint les vignerons
                 outre Y excommunication, contre le soldat qui  (vinitores} et autres colons chargés de leur
                 aurait été trouvé ivre. Diverses dispositions  exploitation.
                 du capitulaire de Villis, publié par Charle­  A partir de cette époque, les cartulaires
                 magne en l’année 800, font connaître que le   des églises sont remplis de donations qui
                 vin destiné auxapprovisionnementsdu palais  prouvent toute l’importance qu’avait déjà
                 impérial se fabrique dans les propres do­  acquise la culture de la v igné dans la Bour­
                 maines de l’empereur. Les intendants de ses  gogne.
                 domaines ruraux devaient livrer, à des épo­  L’auteur d’un ouvrage sur les Vins de la
                 ques annuelles et déterminées, une certaine   Côte-d’Or, M. J. Lavalle, auquel nous avons
                 quantité de vin, de ira cuit, de miel, de  emprunté les renseignements qui précèdent
                 sirop de mûre, des grains de toute espèce, un  concernant la culture de la vigne en Bour­
                 nombre fixe de paons, un approvisionne­   gogne, ajoute :
                 ment de garance, de pastel, etc., etc.
                                                             « Par malheur, ces richesses introduisirent la
                   C’est de l’époque du moyen âge que date
                                                           corruption dans les monastères, et avec elle le re­
                 la réputation des vins de Bourgogne. Les   lâchement de la règle. Les moines, devenus par suite
                 habitants des monastères bourguignons fu­  du système féodal les seigneurs des hommes qui
                                                           vivaient sur leurs domaines, leur en abandonnè­
                 rent les premiers à s’adonner, dans ce pays,
                                                           rent la culture, sans désormais y prendre d’autre
                 à la culture de la vigne. Placés, pour la plu­  part que celle d’en recueillir les produits. Aussi
                 part, au milieu de solitudes et de forêts inac­  l’agriculture, regardée comme le lot des serfs, alla
                                                           bientôt en décroissant, et était déjà retombée dans
                 cessibles, ils défrichèrent de leurs propres
                                                           un état de déplorable abandon, quand surgit de Cî-
                 mains les terrains de ces forêts, et par des   teaux un nouvel ordre religieux qui, reprenant dans
                 cultures intelligentes, ramenèrent par de­  toute sa sévérité l’antique règle de saint Benoît,
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