Page 228 - Merveilles Industrie Tome 4
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222 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE
et froides de la France, que Columelle ne Après la conquête des Gaules par Jules
désigne clairement, quand il dit : César, et grâce aux relations commerciales
qui s’établirent entre le peuple vaincu et
« Le vigneron intelligent choisira dans les con ses conquérants, la culture de la vigne prit
trées froides et nébuleuses deux espèces de vignes :
ou les précoces, dont les raisins, mûrissant plus un grand développement dans ce pays.
vite, préviendront l’arrivée de l’hiver; ou celles qui Il est curieux de remarquer que les au
ont le grain ferme et dur, et dont le fruit s’adoucit à j teurs romains qui se sont occupés de la cul
la gelée et aux frimas^ comme les autres par l’effet de
la chaleur. » ture de la vigne signalent des pratiques
viticoles encore en usage de nos jours. Vir
Dans sa plaidoirie pour Fonteius, Cicé gile conseille de ne jamais planter la vigne
ron, parlant des vins de la Gaule centrale, sur les coteaux exposés au couchant :
nous apprend que, dès cette époque, le com
merce était soumis à des droits semblables Neve tibi ad solem vergant vineta cadentem (1)
à ceux qui existent aujourd’hui. Tiburius
Il constate aussi que les terrains salés sont
avait exigé quatre deniers d’entrée par am
impropres à la culture de la vigne et des
phore pour la ville de Toulouse. Porcius
arbres fruitiers.
et Nummius, autres proconsuls, faisaient
Selon Columelle, Magon, auteur Cartha
payer trois viclorias à Crodune, et Servius
ginois, conseille d’employer, comme engrais
en demanda deux à Vulchalon. Dans cette i
de la vigne, le marc de raisin. C’est là, en
même province, on avait imposé une taxe
effet, le plus puissant des engrais de la vi
à ceux qui voulaient transporter du vin de j
gne, d’après le précepte moderne de chimie
Cobiamaque, bourg entre Toulouse et Nar
agricole, de rendre au sol les éléments mi
bonne, sans entrer à Toulouse.
néraux que la culture lui enlève périodi
Tout cela prouve que la vigne fut de
quement.
bonne heure cultivée dans les Gaules et Columelle insiste sur l’utilité de sépa
qu’elle donnait lieu à un commerce étendu
rer les différents cépages dans une même
lorsque Jules César entra dans ce pays.
vigne. Il veut que chaque cep ait son écha-
Etaient-ce les Phocéens qui l’avaient appor
las, que les mauvais plants soient greffés
tée de la Grèce dans les Gaules, à l’époque
par de meilleures variétés, etc., etc.
de la fondation de Marseille, 600 ans avant
Le même auteur décrit avec soin le pro
Jésus-Christ? c’est une question à peu près
vignage de la vigne, c’est-à-dire sa reproduc
impossible à résoudre dans un sens affir
tion par bouture au moyen d’un rameau en
matif ou négatif, en l’absence de documents
core attaché à cet arbuste et planté vivant
écrits. Mais, comme nous l’avons dit, l’exis- ’
en terre. Il parle des vins cuits, des vins
tence de la vigne vierge, c’est-à-dire à l’é
goudronnés, des «ins aromatisés avec diffé
tat sauvage, dans nos climats, nous porte
rentes plantes, des vins salés, etc. Il con
à croire que nos ancêtres n’eurent aucun seille de plâtrer les vins qui sont sujets à
besoin de recevoir d’un peuple de l’Asie le j
aigrir, pratique suivie aujourd’hui dans le
bienfait de l’importation et de la culture de
Midi de la France. Les préceptes de Colu
la vigne, et qu’ils étaient devenus vigne
melle, concernant la culture de la vigne, sont
rons par leur propre génie.
tellement justes que plusieurs des chapitres
Quoi qu’il en soit, lorsque Jules César
de son ouvrage pourraient être reproduits au
pénétra, avec ses armées, dans les Gaules,
jourd’hui sans avoir une ligne à y changer.
il trouva l’usage du vin, répandu chez tous
les peuples de cette région. (I) Georgiques, II, 298.