Page 224 - Merveilles Industrie Tome 4
P. 224

218                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                    Bientôt après, le vin devint tellement j   Malgré la grande variété de vins que pro­
                  abondant en Italie, qu’on s’abandonna à son  duisait l’Italie, le luxe porta bientôt les
                  usage sans aucune modération. Les dames   Romains à rechercher les produits de l’Asie.
                  romaines elles-mêmes ne furent pas sans  Les délicieux vins de Chio, de Lesbos, d’E-
                  reproches à cet égard.                    phèse, de Cos et de Clazomène, brillaient
                    Les Romains tiraient leurs meilleurs vins  sur les tables des raffinés de l’Italie.
                  de la Campanie. Ils mettaient au-dessus de   Chaque espèce de vin avait son époque
                  tous les autres le falerne et le massique.  connue et déterminée avant laquelle on ne
                    Le falerne et le massique étaient le pro­  le buvait point. Dioscoride fixe la septième
                  duit des vignobles plantés sur des collines  année comme un terme moyen pourboire le
                  autour du mont Dragon, au pied duquel  vin. Selon Galien et Athénée, le falerne
                  coule le Garigliano, l’ancien Tris. Les vins  ne se buvait, en général, ni avant l’âge de
                  d’Amiela et de Fardi se récoltaient près de  dix ans ni après celui de vingt. Les vins
                  Gaëte; le raisin de Suessa croissait près de  d’Albe devaient avoir vingt ans, le lauren-
                  la mer.                                   tinum, vingt-cinq, etc. Macrobe rapporte que,
                    Les riches Romains commençaient leurs  Cicéron étant à souper chez Damasippe, on
                  repas par des libations, qui consistaient à ver­  lui fournit du falerne de quarante ans, et
                  ser un peu de vin sur la table, en l’honneur  Cicéron le loua, en disant qu’il « portait
                  des dieux, et cette cérémonie se renouvelait  bien son âge. » Pline parle d’un vin que l’on
                  à la fin du repas. Quelquefois on obligeait  servit sur la table de Caligula et qui avait
                  les convives à boire autant de coups de vin  plus de cent soixante ans. Horace a chanté
                  qu’il y avait de lettres dans le nom de la per­  un vin de cent feuilles.
                  sonne dont on portait la santé. Une autre   Pline rapporte qu’on avait gardé jusqu’au
                  pratique usitée parmi les gens de plaisirs,  temps où il vivait des vins recueillis sous le
                  était de boire du vin dans lequel on avait  consulat de L. Opimius, et qui dataient de
                  trempé les couronnes dont on se parait la  près de deux siècles. Il ajoute que ces vieux
                  tète : c’est ce que l’on appelait boire les cou­  vins servaient à opérer des mélanges pour
                  ronnes.                                   améliorer les autres vins.
                    Nous avons déjà dit que l'on imitait le   Comme de nos jours aussi, on distinguait
                  vin de Cos en ajoutant de l’eau de mer aux  les vins en vins fins et vins ordinaires.
                  crus du pays. Caton conseille dé puiser     Le docteur Roques, dans sa Phytographie
                  cette eau en pleine mer, par un temps  médicale, a donné des renseignements très-
                  calme, soixante-dix jours avant les vendan­  intéressants sur les vins dans l’antiquité
                  ges. A l’exemple des Grecs, les Romains  grecque et romaine.
                  mettaient encore dans leurs vins du sel,
                  des fleurs de sureau, de pêcher, des plantes   « Les Grecs et les Romains, dit Roques, commen­
                                                            çaient ordinairement la vendange au mois de sep­
                  aromatiques, etc.
                                                            tembre , et ils avaient grand soin de ne cueillir
                    Les marchands de vin de Rome avaient    d’abord que les raisins les plus mûrs du coteau le
                  pour enseigne des branches ou des couron­  mieux exposé. Théophraste, dans son Traité des
                                                            plantes, nous apprend qu’on enveloppait quelquefois
                  nes de lierre, parce que cette plante était
                                                            les grappes d’une cloche, pour les garantir de la trop
                  consacrée à Bacchus.De là le proverbe latin :   grande ardeui' du soleil.
                  « Vino vendibili suspens à hederâ nil opus   « On estimait à Rome les vins généreux de la côte
                  est; » ce que l’on a paraphrasé dans notre   d’Amminée : Ammineæ vîtes firmissima vina (Virg.).
                                                            Columelle en fait le même éloge. Le vin de Momen-
                  proverbe français : A bon vin point d'en­  tum, contenant plus de matière mucilagineuse,
                  seigne.                                   était également recherché. La vigne Apiana, le mus­
   219   220   221   222   223   224   225   226   227   228   229