Page 226 - Merveilles Industrie Tome 4
P. 226
220 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
de vinification dans lequel la fermentation haut goût que, sous le nom de vin, ont chantée les
est dirigée avec tant d’intelligence et de poètes d’Athènes ou de Rome. La plupart des vins
anciens étaient des préparations semi-pharmaceu
soin. tiques provenant de la fermentation du sucre de
raisin auquel on ajoutait des aromates ou du moût
épaissi par la cuisson. Le biés et le leucocoùm des
« Les Romains , dit le docteur Roques, lais
Grecs provenaient de raisins cueillis un peu avant
saient fermenter leur vin pendant un an ou deux leur maturité, séchés au soleil, et dont on ad
ans, dans des tonneaux où ils jetaient du plâtre, de ditionnait ensuite le suc d’une certaine quantité
la craie, de la poussière de marbre, du sel, de la d’eau de mer. Les vins épicés étaient ceux qui pa
mvrrhe, des herbes aromatiques, etc.; ensuite, ils le raissaient en général sur les tables romaines : le
soutiraient dans de grandes jarres vernissées en de thym, la cannelle, la menthe, le serpolet, la rose, le
dans avec de la poix fondue. On marquait, sur le genièvre, le laurier, l’absinthe, le raifort, le safran,
dehors de la cruche, le nom du vignoble et celui du servaient à les parfumer. Les gourmets de Rome
consulat sous lequel le vin avait été fait. Ce souti recherchaient un bouquet spécial d’essence de téré
rage s’appelait diffusio vinorum. Ils avaient deux sor benthine obtenu en laissant infuser dans le vin de la
tes de vaisseaux employés à cet usage : l’un se nom résine ou des pousses de pin. La plupart de ces ma
mait amphore, et l’autre cade. L’amphore était de tières aromatiques avaient pour effet de conserver
forme carrée ou cubique, à deux anses, et conte la liqueur fermentée, et n’avaient été primitivement
nait deux urnes, environ quatre-vingts pintes de ajoutées que dans ce but. Plus tard, lorsque l’art
liqueur ; ce vaisseau se terminait par un col étroit de fabriquer des tonneaux de plusieurs pièces et de
qu’on bouchait avec de la chaux et du plâtre, pour fondre couramment des vases de verre se fut géné
empêcher le vin de s’éventer. Les amphores dont ralisé, les vins aromatisés disparurent peu à peu ;
parle Pétrone étaient de grosses bouteilles de verre mais nous voyons encore au moyen âge nos pères
bien bouchées, avec des écriteaux où on lisait : Faler- célébrer ces singulières boissons enivrantes. »
num opimianum annorum cenjum. Le cade (eacùzs)
avait à peu près la figure d’une pomme de pin ; On lit, dans la plupart des auteurs, que
c’était une espèce de tonneau qui contenait moitié
plus que l’amphore. On bouchait bien ces deux la vigne fut apportée dans les Gaules par
vaisseaux et on les mettait dans une chambre haute les peuples de l’Asie, soit par les Phéni
exposée au midi. Cette chambre s’appelait horreum ciens, dont les navires touchaient à tous les
vinarium, le grenier àu vin. On conservait les plus
forts dans les lieux découverts, exposés à la pluie, ports de la Méditerranée, soit par les Pho
au soleil, au froid et à toutes les intempéries ; là, céens, qui fondèrent Marseille 600 ans
ils acquéraient, en s’adoucissant, des qualités supé avant Jésus-Christ, et qui auraient alors
rieures.
« Ils suspendaient, au coin des cheminées, les doté de la culture de la vigne le territoire de
vins de qualité inférieure, afin de leur donner du la ville nouvelle. Nous ne croyons pas que
corps et de pouvoir les conserver plus longtemps. les habitants des Gaules aient eu besoin
Ce procédé leur avait été transmis par les Asiati
ques, qui faisaient également épaissir certains vins de recevoir des peuples de l’Asie l’art de
au coin du feu, d’après le témoignage de Galien. » fabriquer le vin. Notre pays étant le plus
favorisé par la nature pour faire croître la
Il ne faudrait donc pas assimiler à nos vigne et mûrir le raisin, on peut soutenir,
vins actuels les breuvages que les gour sans trop de témérité, que les habitants de
mets de l’antiquité baptisaient de ce nom. la Gaule méridionale et de la Gaule cen
M. Armand Gautier, dans un article sur le trale arrivèrent tout naturellement eux-
vin publié dans la Revue scientifique (1), mêmes à cultiver la vigne, en donnant leurs
établit fort bien à quel rang il faut placer soins à la vigne sauvage qui remplissait
les vins de Grèce et de Rome. leurs forêts.
L’agriculteur latin Columelle, qui écrivait
« Quoique Pline, dit M. Armand Gautier, porte à
quatre-vingts le nombre des vins connus de son son Traité sur l’agriculture {De re rustica) en
temps, il est douteux que beaucoup d’entre nous viron 35 ans avant Jésus-Christ, en décrivant
eussent été satisfaits de la boisson sirupeuse et de les différentes variétés de vigne, arrive à un
(1) 6 mai 1S76. groupe qu’il désigne ainsi :