Page 222 - Merveilles Industrie Tome 4
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                 arbuste précieux, si elle se fit, n'eut lieu qu'à   Les premiers rabbins décidèrent que les
                 des époques très-reculées dans l’histoire.  Hébreux ne pourraient boire du vin qui au­
                   Quoi qu’il en soit, on trouve dès la plus  rait été fabriqué par d’autres que les Juifs;
                 haute antiquité la vigne et ses produits ré­  mais ce précepte cessa bientôt d’être ob­
                 pandus dans l’Orient, par exemple dans  servé .
                 l'Égypte et dans quelques contrées du centre   Chez les Grecs, le vin fut en honneur dès
                 de l’Asie ; mais on constate, en même temps,   les temps les plus anciens, car ce pays a
                 les prohibitions portées par les plus anciens  toujours produit une grande quantité de vins
                 législateurs contre l’abus, et même le simple  excellents. On mettait dans des outres le vin
                 usage du vin. Les lois des brahmes de l’Inde  qui devait être bu promptement, et on. le
                 déclarent qu’un royaume où les personnes  transportait ainsi, soit à la campagne, soit
                 d’un certain rang s’accoutument à boire du  aux armées. Celui que l’on voulait conser­
                 vin, penche vers sa ruine. Les mêmes lois  ver plus longtemps était mis dans des am­
                 punissent de mort celui qui aura fait boire  phores de terre, vernissées intérieurement
                 du vin à un brahme. L’usage du vin était  et fermées par un couvercle de plâtre enduit
                 interdit aux rois de l'ancienne Égypte.   de poix.
                 Les prêtres égyptiens, qui prétendaient que   Les Grecs aimaient les vins doux et odo­
                 cette liqueur était le sang des anciens enne­  rants. Pour leur donner ces qualités, ils
                 mis du pays, en avaient déclaré l’usage  jetaient dans les amphores de la farine pé­
                 abominable.                               trie avec du miel. Ils y joignaient presque
                   Le vin est cité très-diversement dans  toujours de l'origan, des aromates, des fruits
                 l’Écriture sainte. Le Psalmiste dit que « le   et des fleurs. Quelquefois ils y mettaient de
                 vin réjouit le cœur de l’homme. » Il se plaint  Veau de mer, à laquelle ils attribuaient la
                 ailleurs de ce que les buveurs l’aient pris  propriété de faciliter la digestion.
                 pour le sujet de leurs chansons. Le Livre   Ce mélange avait lieu surtout pour les v i ns
                 des Juges dit que le vin « réjouit Dieu et  de Rhodes et de Cos.
                 les hommes. » L’auteur de YEcclésiaste com­  On lit dans le Voyage du jeune Ana-
                 pare un concert de musiciens dans « un  charsis.
                 festin où l’on boit du vin, à un cachet d’es-
                                                             « L’eau de mer, mêlée avec le vin, aide, dit-on,
                 carboucle enchâssée dans une bague d’or. »
                                                           à la digestion, et fait que le vin ne porte point à la
                 Melchisédech, dans la Bible, offre des sa­  tête ; mais il ne faut pas qu’elle domine trop. C’est
                 crifices de pain et de vin. Dans le Lévitique,   le défaut des vins de Rhodes : on a su l’éviter dans
                                                           ceux de Cos. Je crois qu’une mesure d’eau de mer
                 Moïse interdit, sous peine de mort, aux prê­
                                                           suffit pour cinquante mesures de vin, surtout si
                 tres et aux lévites, l’usage du vin, le jour   l’on choisit, pour faire ce vin, de nouveaux plans
                 où ils entraient au tabernacle pour y faire   de préférence aux anciens (I). »
                 des sacrifices.
                                                             Ainsi, dans l’antiquité grecque, ce mé­
                   Les Israélites, qui habitaient la Palestine,
                                                           lange se faisait ostensiblement, et en vue de
                 avaient le vin en très-grande estime; mais,
                                                           communiquer aux vins certaines propriétés,
                 obéissant aux interdictions portées par leurs
                                                           et probablement, afin de donner à certains
                 prophètes, ils en buvaient en très-petite
                                                           crus des propriétés marchandes.
                 quantité, mêlé de beaucoup d'eau, et seu­
                                                             Les vins de Leucade étaient plâtrés comme
                 lement dans les repas de cérémonie. Quel­
                                                           le sont souvent nos vins du Midi, c’est-à-dire
                 quefois ils y mêlaient du vin de palmier,
                 ou y ajoutaient des parfums et des dro­
                                                             (1) Chap. xxv, page 139, tome IIIe de l’édition de 1817.
                 gues odoriférantes.                       (Chez Saintin.)
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