Page 20 - Merveilles Industrie Tome 4
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14                    MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                  « Olivier de Serres fait encore mention de plu­  dant les règnes de Henri Ier, de Robert et
                 sieurs autres espèces de pain, tels que le pain de   de Hugues-Capet, c’est-à-dire en moins de
                 Gonesse, le pain Chalan, le pain de ménage, le pain
                 Dousset, puis le pain des chiens et le pain bigarré de   quatre-vingts ans, quarante-huit années de
                 blanc et de gris.                         famine. L’herbe ne suffisant pas à apaiser
                  « Il y en avait un surtout qu’on employait ordi­  la faim, on exhuma les cadavres des cime­
                 nairement en guise de plat ou d'assiette, pour peser   tières, pour y chercher une nourriture em­
                 et couper certains aliments. Humecté ainsi par les
                 sauces et par le jus des viandes, il se mangeait en­  poisonnée. On vendit publiquement de la
                 suite comme un gâteau.                    chair humaine.
                  « L’usage des tranchoirs (c’est ainsi que les siècles   Le xii' siècle compte en France cinquante
                 postérieurs nommèrent ces pains-assiettes, sans
                 doute à cause de leur destination) s’est maintenu   et une années de farine.
                 fort longtemps. Il en est mention dans une ordon­  Les disettes de 1660 à 1665, de 1692 à
                 nance du dauphin Humbert II rendue en 1336. Il   1695, signalèrent, dans des temps plus rap­
                 veut que tous les jours on lui serve à table des
                pains blancs pour sa bouche, et quatre tranchoirs.   prochés du nôtre, le règne de Louis XIV.
                 Froissart les appelle tailloirs ; nom qui, comme   Pendant notre siècle, les progrès accom­
                 l’autre, annonce quel était leur usage. En parlant   plis dans les arts mécaniques, dans les sys­
                 du comte de Foix, dont le fils, trompé par Charles   tèmes de communication, de transport et
                 le Mauvais, avait reçu, sans le savoir, une poudre
                 empoisonnée, l’historien dit que le comte prit la   d’échanges, les perfectionnements apportés
                poudre et en mit sur un tallouer de pain et appela un   aux procédés de mouture et de panification,
                 chien et lui en donna à manger.           ont mis les populations à l’abri du retour
                  « Les tranchoirs étaient usités à la table des par­
                 ticuliers opulents et des gens en place comme à celle   de ces lamentables calamités.
                 des souverains. Martial de Paris, auteur des Vigiles   Faire connaître les divers procédés au­
                 de Charles VII, après s’être demandé quelle vais­  jourd’hui en usage pour la préparation des
                 selle ont les évêques, et avoir répondu qu’ils ont
                 de grands et beaux buffets d’or et d’argent, des   farines et pour la confection du pain, cet
                 pots, flacons, etc., du même métal, demande   aliment fondamental des populations mo­
                 encore :                                  dernes, tel est l’objet que nous nous propo­
                                                           sons dans cette Notice.
                    « Hé ! qu'ont les povres? Ils ont les trancliouers,
                    « Qui demeurent du pain dessus la table. »

                   L’art de préparer les pains variés dont
                 nous venons d’énumérer les noms, demeu­                CHAPITRE II
                 rait souvent inutile au milieu des famines
                 qui se succédaient si fréquemment au      DIVERSES ESPÈCES DE FROMENT. — CONSERVATION DES
                                                             CRAINS. — STRUCTURE DU BLÉ. — LES DEUX MODES
                 moyen âge. Pendant les guerres inces­
                                                             GÉNÉRAUX DE MOUTURE DES GRAINS ! LA MOUTURE
                 santes des seigneurs entre eux et des sei­  ANGLAISE ET LA MOUTURE FRANÇAISE OU ÉCONOMIQUE.
                 gneurs contre le roi, l’incendie dévorait sou­  —  LES MOULINS A BLÉ. — LES MEULES. — DESCRIP­
                                                             TION GÉNÉRALE ü’UN MOULIN A BLÉ. — PERFECTION­
                 vent moissons et villages. Les paysans enrô­
                                                             NEMENTS APPORTÉS DE NOS JOURS AUX MOULINS A BLÉ.
                 lés sous la bannière du roi ou des seigneurs,   —  DESCRIPTION DU SYSTÈME DARBLAY. — LE BROYEUR
                 laissaient alors leurs champs en friche.    CARR APPLIQUÉ A LA MOUTURE DES GRAINS.
                 Et lorsqu’il n’y avait pas de récoltes à es­
                 pérer ou qu’elles avaient été anéanties, l’ab­  Les farines les plus généralement em­
                 sence de communications rapides et régu­  ployées à la confection du pain, sont celles
                 lières entre les pays producteurs du blé, ne  de froment et de seigle.
                 permettait même pas de suppléer à prix      Le froment (Triticum), appartient à la
                 d’argent aux maux de la disette.          famille des Graminées. Ses épis sont formés
                   C’est pour cela qu’il y eut en France, pen­  de petits épis ou épillets, à plusieurs fleurs,
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