Page 16 - Merveilles Industrie Tome 4
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10 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
la pâte fraîche, fut sans doute l’effet du et dans la rue du Four-Saint-Hilaire, le four
hasard. Peut-être un morceau de ces pâtes de Saint-Ililaire.
sucrées qui servaient à préparer le pain de Les rois, dans leurs luttes contre les sei
luxe, ayant été abandonné à lui-même, fut- gneurs, supprimèrent peu à peu l’abus des
il, un jour, mélangé, par hasard, avec de fours banals. En 1180, Philippe-Auguste
la pâle du pain ordinaire, et ce mélange, permit aux boulangers de construire des
ayant subi la fermentation, produisit-il le fours pour l’exercice de leur profession, et
pain fermenté. Celui qui fit le premier Philippe-le-Bel, en 1303, permit à tout
cette découverte, n’eut qu’à répéter la bourgeois de Paris d’avoir un four dans sa
même opération, pour obtenir systémati maison.
quement le même phénomène, c’est-à- Ce furent les chanoines de Saint-Marc
dire pour fabriquer le pain tel que nous qui conservèrent les derniers, à Paris, le
le connaissons. Tout ce que l’on sait, c’est droit, ou du moins le pouvoir, d’imposer
que le pain fermenté fut fabriqué d’a leur four banal à leurs vassaux. II fallut,
bord en Grèce, et, comme nous venons pour le leur retirer, une sentence des re
de le dire, apporté ensuite de Grèce en quêtes du Palais. Cette sentence fut pro
Italie. noncée en 1675.
Disons, cependant, que l’on avait fait Les Registres des métiers d’Estienne Boi
du pain à Marseille avant que l’on sût en leau, rédigés pendant les dix dernières
faire à Rome. Une colonie grecque établie années du règne de Louis IX, ont, à quel
longtemps avant l’occupation romaine, dans ques changements près, gouverné la com
la partie méridionale des Gaules, y avait munauté des boulangers jusqu’en 1771 ,
apporté cet art. époque à laquelle elle cessa d’exister. Voici
En France, les boulangers furent primiti un passage de ces statuts, concernant l’orga
vement appelés talemeliers, talemiers ou tale- nisation administrative de la boulangerie:
mandiers : mots dérivés du latin talemetarius,
ou talemarius. Le nom de talemetarius venait « Le roi a doné à son mestre panetier la mes-
lui-même de taleà metari, compter sur une trise des talemeliers, tant corne il li plaira, et la
petite justice et les amendes des talemeliers et des
taille, d’après l’habitude de marquer sur joindres(l) et des vallets.......Et doit cil mestre pane
une tige de bois, par une entaille, les pains tier prendre un preudome talemelier qui li guarde
son mestier et ses amendes, et qui bien sache con-
livrés à crédit par le boulanger.
noistre les bones danrées et les baus. Quand li
Au xie siècle, les seigneurs s’étaient at rois a doné à son mestre panetier le mestier de
tribué le droit exclusif d’avoir des fours, talemelier (2), li mestre panetier doit venir à Paris
comme d’avoir des moulins à blé. Ils for et faire assembler touz les talemeliers par celui qui
est en son lieu, et doit élire douze des plus preu-
çaient jusqu’aux habitants des banlieues
dommes du mestier de talemelerie, ou plus ou
comprises dans leur seigneurie, à se servir mains (3), selon ce qui l'a semblé bon, qui miex
de ces fours pour cuire leur pain. De là, le sachent connoistre le pain, et qui plus sachent du
mestier pour le proufit à ceux qui dedans la ville
nom de four banal, employé pour désigner
sont, et doivent icel douze preudomes jurer sur
ce genre de fours. scainz (4), que ils garderont le mestier bien
On connaît trois rues de Paris qui ont dû leaulement (5), et que, au jugier le pain, ils n’épar-
leur nom à des fours banals. Il y avait dans
(1) Geindres.
la rue du Four-Saint-Honoré, le four ap
(2) Quand il lui a confié l’exercice de ses droits
partenant à l’archevêque de Paris ; dans la sur le métier.
rue du Four-Saint-Germain, celui des reli (3) Moins.
(4) Sur les reliques des saints.
gieux de l’abbaye Saint-Germain des Prés ; (5) Loyalement.