Page 13 - Merveilles Industrie Tome 4
P. 13

LE PAIN ET LES FARINES.                                 7


         léger, montait à la surface ; le gruau tom­  gleterre, au commencement de notre siècle,
         bait au fond. Ce gruau, mélangé de farine,   et bientôt après importée en France. En
          servait à faire de très-bon pain.         1816, elle était pratiquée à Saint-Quentin
            En France, vers la fin du xvie siècle, la  par des Anglais, et en 1817, son usage com­
          mouture dite économique fut substituée à la  mençait à se généraliser.
         mouture à la grosse, par Pigeault, meunier
          à Senlis (Oise), et par Rousseau, dans la   Tels sont les procédés qui ont été mis en
          Reauce. La farine, mêlée de son et de gruau,   usage pour la mouture des grains, depuis les
          qui, dans le système de la mouture à la grosse,  temps les plus reculés jusqu’à l’époque mo­
          était, au sortir du moulin, livrée aux bou­  derne. 11 nous reste à examiner, au même
          langers et aux particuliers, fut, dans le nou­  point de vue historique, les préparations
          veau système, traitée par le meunier lui-  que l’on a fait subir, depuis l’origine des
          même, pour en extraire de la farine. Pour  sociétés, à la farine des céréales, pour en
          cela, on séparait les gruaux du son, au moyen  faire l’aliment connu sous le nom de pain.
          de bluteaux, et en soumettant ces gruaux à   Sous quelle forme nos ancêtres de l’époque
          une seconde mouture, on obtenait une fa­  pré-historique mangeaient-ils la farine qu’ils
          rine que l’on traitait comme la précédente.   avaient extraite par la mouture imparfaite
          Les produits de ces diverses opérations  dont nous avons plus haut décrit l’instru­
          étaient désignés sous les noms de farines de  ment grossier? Comment l’homme primitif
          gruaux, première, seconde, troisième et  faisait-il cuire la farine ?
          quatrième, et les résidus nommésrecoupettes,   On est autorisé à croire que les coutumes
          recoupes, son maigre et fleurage.         de l'homme pré-historique, en ce qui touche
            Pendant ce temps, les prohibitions de 1546  son économie domestique, sont les mêmes
          et de 1658 étaient tombées en désuétude;   que celles des peuplades sauvages qui exis­
          si bien qu’en 1740 l’autorité royale inter­  tent encore aujourd’hui à la surface du
          vint encore une fois. Mais ce n’était plus  globe. En effet, les sauvages modernes se
          alors pour défendre, c’était, au contraire,   servent des mêmes instruments et des mê­
          pour imposer l’emploi du son jusque-là  mes armes que l’on a retrouvés dans les
         repoussé. L’usage obligatoire des bluteaux  stations humaines pré-historiques. La hache
         devait assurer l’exécution de la nouvelle  de silex, l’hameçon de pêche, le grattoir en
         ordonnance. Ces bluteaux ne retenaient que  os, etc., qui servent aux sauvages de l’Aus­
         le plus gros son, et le gruau s’échappait,  tralie, sont en tout semblables à ceux que
         avec la farine, à travers les mailles.     l’on retrouve dans les stations de l’homme
            Vers la fin du XVIIIe siècle, la farine de  de l’âge de pierre. 11 estdonc permis de con­
         gruau était en grande faveur. On la payait  clure que l’analogie subsiste dans le mode
          des prix élevés.                          de préparation des aliments les plus essen­
            En 1742, un mécanicien des Etats-Unis,   tiels, et que les hommes pré-historiques pré­
          Olivier Evans, produisit une véritable révo­  paraient le pain comme le préparent encore
          lution dans l’art de la meunerie, en assem­  aujourd’hui certaines peuplades sauvages.
          blant six à huit meules sur une même plate­  Or chez ces tribus sauvages, le pain s’obtient
          forme circulaire, nommée beffroi. Olivier  en faisant cuire soit sur la cendre, soit entre
          Evans, avait puisé le principe de cette in­  des pierres chauffées au feu, de la farine dé­
          vention dans les ouvrages français du colo­  layée dans l’eau.
          nel Ducrest et de l’ingénieur Favre. La     Voici donc comment l’homme pré-histo­
          mouture américaine fut introduite en An­  rique confectionnait son pain, ou plutôt
   8   9   10   11   12   13   14   15   16   17   18