Page 9 - Merveilles Industrie Tome 4
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LE PAIN ET LES FARINES.                                 3


         vation des grains, et l’on ajoute qu’au     Doyère dit au sujet d’un de ces silos dans
         bout de plusieurs siècles on a retrouvé dans  lequel il est descendu :
         un parfait état de conservation des grains
         qui avaient été oubliés dans ces excava­    « L’orifice, aujourd’hui dégradé et de forme irré­
                                                   gulière, dut être circulaire dans l’origine...... On
         tions.                                    voit encore, dans une certaine étendue de son
           Les Gaulois, les Bretons, les Germains,   pourtour, les deux margelles, dont l’une circonscrit
         les habitants de l’Ibérie (Espagne) ont éga­  immédiatement l’orifice, et l’autre, plus large, la
                                                   chambre destinée à recevoir le couvercle...........Il
         lement fait usage de silos souterrains, pour
                                                   n’existe pas de col proprement dit ; la voûte com­
         la conservation des blés. Les historiens   mence immédiatement au-dessous de l’orifice, et
        grecs appellent ces silos     Vitruve les  tout me paraît annoncer que la couche supérieure
                                                   du blé ne devait pas se trouver à une profondeur
         nomme horrca clefossa.
                                                   de plus de 20 à 25 centimètres au-dessous du ni­
           Doyère, professeur à l’Ecole centrale des   veau du sol.
        arts et manufactures," a retrouvé en Afrique,   « L’orifice supérieur servit probablement à l’ex­
                                                   traction, comme à l’introduction du grain. Cepen­
        les anciens silos dans lesquels les Romains
                                                   dant on assure qu’il existe en bas une ouverture
        et les Maures enfouissaient leurs immenses   fermée par une maçonnerie, et qui aurait fait com­
        réserves de blé. Il a visité plusieurs de ces   muniquer le silo avec le silo voisin, on peut dire
        greniers, près d’Oran et à Arzew. Des revê­  avec un puits d’extraction. Je n’ai pu examiner
                                                   cette disposition, aujourd’hui ensevelie sous les
        tements, composés de plusieurs couches,
                                                   pierres. Je l’ai regretté davantage, après en avoir
        qui avaient été appliqués à l’intérieur de   trouvé une semblable dans le plus grand des silos
        ces cavités, pour les protéger contre l’hu­  romains d’Arzew. »
        midité, conservaient encore leur adhérence
                                                     Les quatre silos qui se trouvent au-dessous
        et leur intégrité. Ils avaient la dureté, la
        compacité, quelquefois même le poli du     du château, ne sont pas les seuls qui existent
                                                   dans cette contrée. Doyère en a vu treize
        marbre; on ne pouvait les détacher qu’avec
                                                  autres, et les habitants assurent qu’il en a
        le marteau et en arrachant la maçonnerie
                                                  été trouvé plus de cent, tous pareils, sur les
        même.
          Doyère visita également d’anciens silos   points les plus différents, hors de la ville,
                                                  en rase campagne.
        creusés par les Maures dans une roche si­
        liceuse, dure et absolument compacte, à
                                                    « N’est-il pas permis de croire, après de sem­
        Alcala de Guadayra, sur la route de Cordoue   blables découvertes, ajoute Doyère, qu’Alcala de
        à Séville, à trois lieues au midi de cette   Guadayra fut autrefois le grenier de Séville et ren­
        dernière ville, capitale de l’Andalousie. Ces   ferma des approvisionnements immenses? Peut-
                                                  être pourrait-on trouver une induction favorable à
        silos se trouvent au-dessous des ruines d’un
                                                  cette conjecture même dans l’industrie particulière
        ancien château fort, dont l’aspect élégant   qui s’exerce depuis un temps immémorial dans
        attire l’attention du voyageur se rendant de   cette jolie petite ville. Cette industrie est celle de
                                                  la boulangerie. Malgré la distance de trois lieues
        l'une à l’autre de ces villes.
                                                  d’Espagne qui l’en sépare, le pain le plus beau et
          Le mamelon tout entier qui supporte le   le meilleur qu’on mange à Séville vient d’Alcala
        château, paraît être un bloc immense, sans   de Guadayra : c’est un pain blanc comme la neige,
        joints et sans fissures. Les silos sont de   léger, quoique assez peu levé, excellent au goût et
                                                  qui surtout conserve admirablement sa fraîcheur.
        vastes capacités étanches, creusées dans l’in­  Alcala de los panaderos (des boulangers), ainsi qu’on
        térieur de ce bloc. Leur capacité est de   l’appelle aussi, a une réputation qui s’étend dans
        3,000 hectolitres environ. Leur forme est   toute l’Espagne. Ses habitants n’hésitent pas à
                                                  faire remonter jusqu’aux Maures cet art particu­
        celle d’un cylindre surmonté d’un dôme
                                                  lier de fabriquer le pain dont iis ont le privilège. »
        pointu, au centre duquel s’ouvre l’orifice du
        silo.                                       Dans l’opinion de Doyère, si l’on en juge
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