Page 10 - Merveilles Industrie Tome 4
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4                     MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.                                                                         LE PAIN ET LES FARINES.                                5

                  par les dix-sept silos qu’il a vus, les cent  cubes. Leur forme était celle de poires, ou
                  silos que l’on assure avoir été trouvés à Al-   des pipettes dont se servent les chimistes
                  cala de Guadayra pouvaient contenir trois  pour aspirer les liquides. La partie figurant
                  mois de consommation en blé, pour une  le tube supérieur servait à l'introduction du
                  ville de 500,000 habitants.               blé, et la partie tronco-conique inférieure,
                     Deux très-grands silos creusés dans le roc,   qui représente la partie étranglée de la pi­
                  comme ceux d’Alcala de Guadayra, ont été   pette, servait à l’écoulement du même blé.
                  découverts en Espagne, à trois lieues de Cor-  Cette partie était fermée, en temps ordinaire,
                   doue, dans la montagne, par un ingénieur  par un clapet à charnière maintenu par un
                   français, M. Tastet.                     cadenas.
                    Varron nous apprend que dans la Cappa-    Quelle était la disposition du moulin à
                  doce, en Grèce, on conservait le froment   blé chez les anciens? Disons d’abord que
                  pendant un demi-siècle et le millet pendant   l’écrasement du blé était considéré comme
                  un siècle, dans certaines excavations natu­  un travail pénible, et qu’on en chargeait les
                  relles des montagnes de ces contrées.     esclaves ou les prisonniers.
                     Il y avait à Rome, dès les premiers temps   Samson, prisonnier des Philistins, tourne
                   de la République, un préfet de l'annone,  les meules.
                   c’est-à-dire un magistrat chargé des appro­  Chez les Égyptiens, le soin de tourner la
                   visionnements publics de blé.            meule au blé était réservé aux criminels.
                     Pline parle de greniers aériens, c’est-à-  Avant de les soumettre à ce travail, on leur
                   dire supportés au-dessus du sol par des  crevait les yeux.
                   assemblages de bois.                        Chez les Romains, la manœuvre de la
                     Les Romains plaçaient leurs greniers au   meule était pratiquée par les prisonniers de
                   faîte de leurs édifices, et pour éviter l’accès   guerre. Elle était également confiée à des
                                                                                                                                           Fig. 2. — Le moulin à blé chez les Romains.
                   de l’air imprégné de vapeurs d’eau qui avait  esclaves et aux citoyens pauvres. Le poète
                   passé sur la Méditerranée, ils n’ouvraient  comique Plaute, né en Ombrie, vers l’an
                   de croisées que du côté du Nord.         254 avant J.-C., tournait la meule, en médi­          sécher au soleil. Ensuite, comme nous ve­  rines. « Excussis inde tunicis, iterum iisdem
                     La jarre de la capacité de 25 hectolitres,   tant les comédies qui devaient lui procurer     nons de le dire, le grain était moulu dans  armamentis nudata conciditur medulla. Ità
                   qui existe au musée de Nîmes, et les rangées  la gloire.                                       des mortiers en bois, avec des pilons guidés.  fiunt alia tria généra : minimum, ac secun-
                   de jarres de 10 hectolitres chacune, que l’on   Les Romains appelaient pistores ceux             Quelquefois ces pilons, de même que les  darium; grandissimum vero aphaerema ap-
                   a découvertes à la Quarantaine, aux environs  qui exerçaient la profession de moudre le        meules, étaient mus par l’eau. C’est Pline  pellant. »
                   de Lyon, témoignent que l’usage existait  blé. Le nom de far, donné au blé, fut l’ori­         qui nous l’apprend. Major pars Italiæ rudo   Les premières meules employées chez les
                   chez les Romains de conserver le blé dans  gine de farina.                                     utitur pilo, rôtis etiam quas aqua verset  Romains étaient des pierres plates, taillées
                   des vases clos.                             Avant de moudre les céréales, les Ro­              obiter et molat (1). On blutait les céréales  en forme de disques, et roulant l’une sur
                     Rélidor, célèbre ingénieur qui a écrit, au  mains commençaient par le concasser dans         ainsi mondées en se servant de tamis de  l’autre par l’action de la main qui tenait le
                   siècle dernier, un ouvrage ayant pour titre :   un mortier. Pour cela, ils se servaient,       cuir à larges mailles. Ce n’est qu’après cette  manche de meule mobile.
                   la Science de l'ingénieur, dans lequel il  selon Pline, d’un pilon terminé par une gar­        espèce d’écorçage du blé et un léger concas­  Les meules de forme plate furent rem­
                   traite surtout de l’architecture militaire,   niture en fer dont l’intérieur était creusé      sage dans le pilon, que l’on passait le grain  placées, chez les Romains, par l’assemblage
                   décrit les poires d'Ardres, réservoirs de blé   d’une cavité présentant l’aspect d’une étoile.   entre les meules, pour obtenir la farine.  d’un tronc de cône plein et d’un tronc de
                   qui se trouvaient sous le terre-plein d’un  Dans cette cavité s’engageait une tige en            Pline nous dit que par l’écrasement sous  cône évidé. La mouture s’opérait entre la
                   bastion de la ville d’Ardres, au milieu de   fer à nervures, qui servait à guider le mouve­    la meule du grain, préalablement pilé et  surface extérieure du premier et la surface
                   trois étages de voûtes, disposition qui les  ment du pilon dans le mortier et à protéger       moulu, on obtenait plusieurs sortes de fa-  intérieure du second. Le premier était appelé
                   mettait à l’abri de la bombe. La capacité de  le grain contre des chocs trop violents. Pour                    •                         meta, c’est-à-dire borne, et le second cotil-
                   chacun de ces réservoirs était de 23 mètres  rendre le mondage plus facile, on faisait           (1) La plus grande partie de l’Italie emploie un pilon   lus, nom qui signifie vase.
                                                                                                                  raboteux, ou bien des roues que l’eau fait tourner et qui
                   cubes, et leur capacité totale de 207 mètres  tremper les grains dans l’eau et on les faisait  ierasent le grain. (Livre VIII, ch. xxm, 1.)   La figure 3 représente le moulin à blé
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