Page 173 - Merveilles Industrie Tome 4
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LE LAIT ET SES PRODUITS.                               167

                                                   fromage, et dans les villes, l’ouvrier en con­
                                                   somme chaque jour une certaine quantité.
                     CHAPITRE XIII
                                                   A Paris, cet aliment qui se vend, comme
         LE fromage. — SON RÔLE DANS L’INDUSTRIE LAI­  la charcuterie, par petites portions, est tou­
           TIÈRE ET SON IMPORTANCE COMMERCIALE. — THÉORIE
                                                   jours à la portée des consommateurs, et sur­
           DE LA FABRICATION DU FROMAGE. — PROCÉDÉ GÉ­
                                                   tout de l’ouvrier. Après une matinée de
           NÉRAL DE FABRICATION DES FROMAGES. — LEUR CLAS­
           SIFICATION.                             travail, combien de pauvres gens sont heu­
                                                   reux d’étaler, sur leur pain, une couche de
           Le fromage était connu des anciens. Les   fromage frais, de fromage de Brie ou de
         Romains et les Gaulois savaient le préparer.   bondon.
         Ils le mangeaient assaisonné de vin, de vi­  Dans les campagnes, le fromage contribue
         naigre et d’épices.                       à rendre plus nutritives les rations alimen­
           Si le lait et Je beurre sont les produits  taires qui, généralement, sont trop pauvres en
         principaux de la ferme, le fromage est un  matières azotées et en matières grasses. Dans
         autre produit qui, sous une forme différente,   les villes, où les rations alimentaires sont suf­
         n’a pas moins d’importance. Dans les exploi­  fisamment nutritives, le fromage frais vient
         tations agricoles, quand la production du lait  varier utilement le régime ; et le fromage
         dépasse les besoins d’une population trop  affiné, c’est-à-dire rendu très-sapide par la
         peu nombreuse pour consommer ce lait en   fermentation, et que l’on consomme à faible
         nature, ou pour en extraire le beurre avec  dose, vers la fin du repas, a pour effet d’a­
         avantage, la plus grande partie du lait est  mener, par sa saveur piquante et son odeur
         convertie en fromage.                     forte, un contraste qui fait paraître plus
           La facilité des transports, cette grande   agréables le goût des autres aliments et le
         conquête qui a si puissamment contribué,   bouquet des vins.
         dans notre siècle, au développement de l’in­  Le fromage est donc un aliment qui, pour
         dustrie et de la richesse publique, a donné   ainsi dire, frappe à toutes les portes.On s’ex­
         une impulsion immense à la fabrication des  plique ainsi que, dès que les voies de commu­
         fromages, en permettant de les expédier du   nication ont permis de le disséminer en tous
         lieu de fabrication dans les pays les plus   pays, les agriculteurs se soient livrés avec
         éloignés. Aussi le fromage est-il aujour­  ardeur à la fabrication de ce produit, qui
         d'hui l’un des aliments les plus répandus.   renferme tous les principes nutritifs du lait
         Il est consommé par toutes les classes de  concentrés sous un petit volume et dans un
         la société. A la ville, un fromage de qualité   état favorable à la conservation et au trans­
         exquise fait les délices du gourmet. Point  port.
         de bon dîner sans fromage. Brillat-Savarin   Quelques chiffres feront comprendre que
         a dit: « Un repas sans fromage est une belle  la consommation des fromages augmente,
         à laquelle il manque un œil; le fromage   comme nous le disons, avec le développe­
         est le complément d’un bon repas et le sup­  ment des voies de transport.
         plément d’un mauvais. »                     D’après les relevés donnés par Ilusson,
           Si, pour le citadin, le fromage est, comme  dans son ouvrage sur les Approvisionne­
         le dit l’écrivain émérite que nous venons  ments de Paris, de 1860 à 1865, on a con­
         de citer, le complément du luxe d’un repas,  sommé à Paris 2,995,665 kilogrammes de
         il est, pour la classe ouvrière, une nourri­  fromages secs, et 3,881,763 kilogrammes
         ture que rien ne saurait remplacer. Dans  de fromages frais. Or, et d’après des docu­
         la ferme, le goûter ne se fait qu’avec du  ments officiels, de 1865 à 1875, c’est-à-dire
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