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562                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                    Seybel. La différence dans le produit de ces   sur un corps dur pour les faire brûler, pa­
                    deux fabricants provenait seulement de ce   raît bien simple ; cependant il fallait, pour
                    que l’un d’eux substituait du lycopode à une   la trouver, un homme de mérite, un observa­
                    partie du soufre et du minium au cinabre.  teur réfléchi, un industriel ayant la connais­
                      Mais l’inconvénient qui consistait dans la   sance des procédés spéciaux de ce genre de
                    trop prompte hydratation à l’air de l’acide   fabrication.
                    sulfurique, ainsi que le prix élevé du bri­  Quel est le véritable inventeur de l’allu­
                    quet oxygéné, persistaient toujours et en li­  mette chimique? Cette question est restée
                    mitaient l’emploi.                        longtemps sans réponse, mais il résulte
                      C’est vers 1832 que fut enfin réalisée la   des recherches de Leuchs, consignées dans
                    découverte des allumettes à friction, qui de­  un article publié par J. Nicklès, dans les
                    vaient répondre à tous les besoins et à tous   Annales du génie civil (1), que cet inventeur
                    les désirs.                               s’appelait Jacques-Frédéric Kammerer, et
                      Les nombreuses tentatives faites depuis le   qu’il était né à Ehmingen, dans le Wurtem­
                    commencement du siècle dans l’art de se   berg, le 24 mai 1796. Ajoutons que cet in­
                    procurer le feu rapidement et avec écono­  venteur est mort en 1857, dans l’asile d’alié­
                    mie, avaient préparé l’avénement de l’allu­  nés de Ludwigsburg. Comment se fait-il que
                    mette chimique. Bien que restées infruc­  la misère et la folie aient été si souvent la
                    tueuses, ces tentatives avaient mis en    fin de la carrière des inventeurs? C’est là
                    possession de l’industrie :               une question que se poseront, sans la résou­
                      1° L’agent le plus comburant que pos­   dre, les historiens du dix-neuvième siècle.
                    sède la chimie, c’est-à-dire le chlorate de   Les allumettes chimiques s’appelèrent, en
                    potasse ;                                 Allemagne, allumettes à friction ; en France,
                      2° Le combustible par excellence, c’est-à-   on leur donna le nom d’allumettes alleman­
                    dire le phosphore ;                       des, puis A'allumettes à la Congrève. Le bout
                      3° La friction, c’est-à-dire le tour de main   soufré recouvert du mélange inflammable,
                    au moyen duquel on détermine à volonté    était frotté contre une feuille de papier sa­
                    l’inflammation du mélange.                blé et pliée de manière à exercer la com­
                      Pour tirer de ces trois éléments l’allu­  pression entre les doigts. Le mélange inflam­
                    mette chimique à friction, qui se fabrique   mable était formé d’une partie de chlorate
                    aujourd’hui par milliards, chaque jour, il   de potasse et de deux parties de sulfure d’an­
                    n’y avait qu’à les réunir. Il suffisait de   timoine, dont on formait une pâte avec de
                    mêler au chlorate de potasse le phosphore   l’eau gommée.
                    qui s’enflamme par le choc, lorsqu’il se    Les premières allumettes chimiques alle­
                    trouve en présence de ce sel, et à garnir de   mandes ne contenaient donc pas de phos­
                    ce mélange des allumettes de bois préala­  phore ; elles n’étaient composées que d’un
                    blement soufrées. De telles allumettes de­  mélange de sels inflammables et de matière
                    vaient nécessairement s’enflammer par la I  organique.
                    friction, comme s’enflammaient les allu­    Ces premières allumettes chimiques ob­
                    mettes du briquet phosphorique de Derosne,   tinrent peu de faveur, parce qu’il arrivait
                    bien qu’elles fussent dépourvues de chlorate   que le mélange inflammable se détachait de
                    de potasse.                               l’allumette, au moment de la friction, et
                      Maintenant qu’elle est réalisée, celte idée   occasionnait des accidents. Mais le principe
                    d’associer les agents inflammables et les
                                                               (1) Sur Chistoire de l’industrie des allumettes chimi­
                    agents comburants, et d’employer la friction   ques (Annales du génie civil, 18C5, pages 645 et suivantes).
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