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566 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
M. Émile Seybel a prétendu qu’à Vienne ’ ment à l’air humide ; au contraire, le phos-
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on sait parfaitement que le docteur Bœtt- I phore rouge est un corps solide, inaltérable
ger est le véritable auteur de cette inven à l’air. Les allumettes au phosphore rouge ou
tion. Mais, en examinant les formules prove allumettes hygiéniques offrent donc un pro
nant des indications de ce dernier et des pâtes grès réel comparativement au briquet oxy
de la fabrique de Jonkoping, on reconnaît géné.
une différence dans leur composition. Cependant, disons-le nettement, les allu
Après avoir pesé tous ces faits et contrôlé mettes à phosphore amorphe ne possèdent
ces assertions, le jury de l’Exposition pensa pas la qualité essentielle de l’allumette chi
que l’invention aurait pu être faite à Jonko mique, celle de pouvoir donner du feu par
ping, plusieurs années après les recherches tout, sans le concours d’un autre objet. 11
de M. Bœttger, dont les procédés étaient faut que l’allumette chimique, comme le
restés secrets. philosophe Bias, porte tout avec elle !
Quoi qu’il en soit des véritables auteurs Un industriel français, M. Bombes-Devil-
de cette découverte philanthropique, les al liers espéra résoudre ce problème avec son
lumettes dans lesquelles on sépare le phos allumette androgyne. Le phosphore amorphe
phore de la pâte combustible, ou allumettes était appliqué à l’extrémité non soufrée de
hygiéniques, sont exemptes de tous les in l’allumette, qui portait ainsi avec elle tout
convénients qui résultent de l’union de ces ce qu’il fallait pour la production du feu.
substances. La pâte dont le bout de l’al Il suffisait de rompre l’allumette en deux
lumette est garni, peut être chauffée sans parties inégales et de frotter le petit bout
prendre feu, à une température presque garni de phosphore contre l’autre extré
égale à celle qui est nécessaire pour la des mité.
truction du bois, et, en déflagrant, elle ne L’auteur de ce perfectionnement le livra
produit pas de projection de parties enflam au domaine public. Il ne lui faisait pas un
mées. La plaque garnie de phosphore rouge cadeau bien important. L’inventeur n’a
peut également supporter, sans prendre feu, vait pas remarqué que cette rencontre des
une température plus haute que celle qui deux bouts de l’allumette qui doit provo
allume les matières combustibles. Le frot quer le feu, peut s’opérer autrement que
tement n’enflamme ni la pâte ni la sur par la volonté du consommateur, car l’allu
face recouverte de phosphore. Ainsi, le nom ■ mette peut, dans le transport, se placer tête-
de Fallumette hygiénique est bien justifié. bêche, phosphore contre soufre, et s’enflam
Une observation très-juste deM. Stas, c’est mer. Ces allumettes, placées dans la poche et
que ce système d’allumettes repose sur le mêlées, peuvent également se toucher par
même principe que celui qui a donné nais leurs bouts opposés et prendre feu. Ainsi le
sance au briquet oxygéné (1). DanS l’un et danger d’incendie est loin d’être évité par
l’autre briquet, l’agent qui doit développer les allumettes androgynes.
le feu est séparé de la matière combustible. Le public n’adopta pas cette invention,
Dans le briquet oxygéné on employait l’acide qui n’a jamais été exploitée.
sulfurique pour enflammer l’allumette sou Un grand progrès serait réalisé, si l’on
frée; dans les allumettes hygiéniques on pouvait éliminer entièrement le phosphore
emploie le phosphore rouge dans le même de la fabrication des allumettes. C’est ce pro
but. Mais l’acide sulfurique s’altère facile- grès qu’un industriel français, M. Canouil, a
fait faire à cette industrie.
(I) Rapport sur les allumettes chimiques ê 'Exposition
universelle de 1855. En 1832, des essais dans ce sens avaient