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LES ALLUMETTES CHIMIQUES. 565
Allemagne, on confectionne un million d’al les deux produits. La pâte de l’allumette
lumettes avec 453 grammes de phosphore, renferme du chlorate de potasse mêlé à une
tandis qu’en Angleterre on n’en produit que matière combustible et à un corps pulvé
600,000 avec le même poids de phosphore. rulent. On frotte cette allumette sur une
Cependant la fabrication des allumettes surface recouverte d’un enduit formé de
chimiques exposait, sous un autre rapport, à phosphore rouge répandu sur une substance
de sérieux accidents. Nous voulons parler dure. Par la friction, une parcelle de phos
de la propriété toxique du phosphore. Il pa phore rouge se détache de la plaque, en
raissait tout à fait impossible de parer à cette flamme la pâte chimique et produit du feu.
difficulté, lorsqu’une découverte inattendue Les premières allumettes au phosphore
vint fournir la solution de ce problème rouge provenaient de trois usines différentes:
d’hygiène publique. Émile Kopp, de Stras- | de celles de Bernard Fürth, de Schûtten-
bourg, remarqua que le phosphore, dans cer hoffen, en Bohême, de celle de M. J.
tains cas, peut rester entièrement inerte au Preshel, de Vienne, et de celle de C. L.
contact de l’air ou de l’oxygène. Alors il n’est Lundstrôw, de Joukoping, en Suède.
plus soluble dans le sulfure de carbone ni Plusieurs fabricants se sont disputé le
dans ses autres dissolvants. Emile Kopp ap mérite du premier emploi du phosphore
pela le phosphore sous cet état, phosphore rouge dans les allumettes chimiques, em
rouge, ou phosphore amorphe. En 1847, ploi fait dans le but d’éviter les dangers
Schrôtter, secrétaire perpétuel de l’Acadé- d’intoxication que présentent les allumettes
mie impériale de Vienne, ayant reconnu au phosphore blanc. C’est ce qui nous dé
l’exactitude du fait découvert par Emile termine à dire quelques mots de cette ques
Kopp, fit une étude approfondie de ce fait, tion de priorité.
et découvrit que le phosphore rouge est un Dans son Rapport sur [Exposition univer
état allotropique du phosphore. Dès lors, selle de 1855, M. Stas, de Bruxelles, fait ob
il eut l’idée d’employer à la fabrication server que, dès le 24 juillet 1855, M. Bernard
des allumettes le phosphore rouge, qui Fürth avait appelé l’attention du jury de
ne s’enflamme pas spontanément, car il l’Exposition sur le système d’allumettes qu’il
exige une température de 200 degrés pour appelait antiphosphore, qu’il avait fait bre
entrer en combustion, et qui (c’est là le veter en Autriche. Mais il paraît que cette
point capital), n’est nullement vénéneux. invention était connue avant cette époque,
Le phosphore rouge mélangé au bioxyde car une lettre de M. Lundstrôw adressée, le
de plomb ou à l’azotate de plomb ou de 3 septembre, au même jury de l’Exposition
potasse, ne s’enflamme pas par le frotte fixe cette découverte que M. Lundstrôw
ment. On fabriqua donc, sur le conseil de s’attribue, à l’année 1853.
Schrôtter, des allumettes chimiques avec Le 6 août 1855, MM. Cogniet père et fils,
le phosphore et le chlorate de potasse. Mais fabricants de produits chimiques à Lyon et
ces allumettes brûlent avec projection de à Paris, prirent un brevet d’invention pour
matière, ce qui est une cause de dangers. fabriquer des allumettes d’après le même
Ainsi s’explique le peu de succès qu’obtin mode. Mais le docteur Bœttger réclama con
rent les allumettes au phosphore amorphe, tre ce brevet, en se prétendant l’auteur de la
pendant tout le temps qu’on l’employa mêlé découverte qu’il faisait remonter jusqu’à
au chlorate de potasse. l’année 1848. Il ajoute que, le 6 février 1855,
On n’a trouvé d’autre moyep de résoudre il céda son procédé à M. Fürth, pour l’exploi
cette difficulté que d’employer séparément ter en Autriche seulement.